Mais où en sommes-nous? Il faut dire que c’est dur de s’y retrouver avec les récents dysfonctionnements et retournements de situation ! En tout cas, la nouvelle n’est pas passée inaperçue et on peut dire que l’immigration est loin d’être une science parfaite.
Rappelons que le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) permet aux étudiants étrangers et à des travailleurs étrangers temporaires remplissant certaines conditions d’obtenir un Certificat de sélection du Québec (CSQ), ce qui ouvre la voie à l’obtention d’une résidence permanente, et éventuellement la citoyenne canadienne. Le PEQ est non seulement une porte d’entrée au Québec, mais aussi un outil d’intégration aux gens venus d’ailleurs.
Dans un décret paru le 30 octobre 2019, le gouvernement avait décidé de réserver l’accès au PEQ aux diplômés de certains programmes dans le but de «répondre davantage aux besoins du marché du travail québécois». Ainsi, le gouvernement de François Legault avait publié une liste de domaines de formations prioritaires maladroitement jugées en pénurie sur le marché du travail, limitant alors l’accès au PEQ. Alors qu’il n’y avait aucune restriction de ce type auparavant, seuls les candidats détenant un diplôme ou ayant travaillé au Québec dans un domaine défini par le ministère de l’Immigration pouvaient alors postuler au PEQ. Après un vif débat, une clause de droits acquis a été promise pour les personnes vivant déjà dans la province.
La mesure ne touchait pas seulement les étudiants internationaux, mais aussi les travailleurs étrangers. Il faut savoir que plusieurs entreprises manufacturières se déplacent régulièrement à l’étranger pour recruter des travailleurs dont l’expérience au Québec pouvait être considérée par le Programme d’expérience Québécoise.
Comme on le sait, cette décision a été publiquement dénoncée par les milieux d’affaires et universitaires. La liste des domaines de formation désormais accessibles au PEQ était truffée d’incohérences et ne s’avérait pas adaptée à la réalité québécoise. D’autre part, certains métiers et professions ne s’y retrouvaient pas, alors qu’ils sont bels et bien en demande, tels que ceux liés à l’intelligence artificielle à titre d’exemple.
Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Simon Jolin-Barrette a dû suspendre sa réforme le 8 novembre dernier après avoir été largement critiqué par des étudiants, des universités et cégeps, ainsi que des gens d’affaires. Il s’est engagé à davantage consulter les différents partenaires du milieu économique et éducatif. Ainsi, les listes des domaines de formation en demande et des emplois en déficit seront révisées en collaboration avec les acteurs concernés.
Cette nouvelle version devra passer par une phase de prépublication de son règlement dans la Gazette officielle du Québec. Cela permettra à tous ceux qui voudront commenter le règlement de le faire avant son entrée en application. La prochaine «liste des domaines de formation en demande et des emplois en déficit», si une telle liste est toujours prévue, sera très certainement plus inclusive mais restera certainement controversée pour ceux qui s’opposent à l’idée même d’une liste.
En attendant, on peut lire ce qui suit sur le site du gouvernement. À partir du 14 novembre 2019, les conditions de sélection du PEQ qui prévalaient avant le 1er novembre 2019 sont rétablies.
Les titulaires de diplômes, sanctionnant entre 900 et 1 799 heures de formation inclusivement, qui ont présenté une demande entre le 1er novembre et le 13 novembre 2019, verront leur demande examinée et décidée en vertu des conditions de sélection qui prévalaient le 1er novembre 2019.
Le nouveau décret du gouvernement stipule que toute demande qui lui a été soumise dans le cadre du PEQ entre le 1er et le 13 novembre sera néanmoins évaluée en vertu des règles édictées par la controversée réforme.
Tous les autres candidats au PEQ qui ont présenté une demande pendant cette période verront leur demande examinée et décidée en vertu des conditions qui prévalaient avant le 1er novembre 2019.
J’ai pu assister à la manifestation qui s’est tenue le vendredi 22 novembre 2019 depuis la fenêtre de mon bureau basé dans le centre du commerce mondiale au Square Victoria. Elle se déroulait alors que le ministre Simon Jolin-Barrette donnait une allocution intitulée «L’ambition d’une immigration réussie» devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Le ministre s’est voulu rassurant devant un public composé de gens d’affaires de Montréal. Il a promis de revenir avec une réforme du PEQ qui correspondra mieux aux besoins de l’économie de la province.
Certes, le revirement du gouvernement apaise certaines tensions, mais cela laissera forcément des traces auprès des étudiants et travailleurs étrangers. Cela nous rappelle que tout peut basculer du jour au lendemain sous le coup d’une nouvelle réforme, ce qui impacte irrévocablement le niveau de confiance des immigrants qui entament des démarches d’immigration souvent longues et coûteuses. J’ose seulement espérer que ces talents internationaux continueront à choisir le Québec qui fait face à une rareté de main d’œuvre tel que je le décrivais dans mon dernier article relié au secteur aérospatial.
Pour rappel, les entreprises canadiennes de l’industrie aérospatiale auront besoin de plus de 50,000 nouveaux employés d’ici 2025, dont 37 000 uniquement au Québec, afin de combler les départs à la retraite et maintenir le rythme de croissance prévu. Le Québec devra attirer un grand nombre de travailleurs pour répondre aux besoins du marché. Il est plus que jamais le temps pour le gouvernement de trouver des façons pertinentes, censées et humaines, afin de mieux lier l’immigration économique au marché du travail pour le bien de tous.
Pour ma part, l’affaire du PEQ est un mélange de jeux politiques, d’improvisation et aussi de volonté de régler un problème : le PEQ et le Québec biaisent l’immigration au Québec et au Canada.
Il y a des étudiants qui s’inscrivent dans un cours au Québec pour avoir le CSQ puis la RP. Et ensuite vont partir dans une autre province.
La plupart des établissements scolaires ont participé à cette dérive de l’objet initiale du PEQ : permettre à des gens qui ont une réelle volonté de vivre au Québec de ne pas repartir à l’étranger le temps d’avoir le CSQ. Il y a quelques années, il fallait être hors Québec pour faire une demande de CSQ et de RP.
Le gouvernement a sans doute voulu corriger cet dérive et à très mal expliquer la situation (qui est complexe à comprendre pour des gens qui ne connaissent pas les processus d’immigration). L’opposition a fait de cette question un jeu politique. Le fond du problème est assez simple :
1) il y a bcq de gens qui veulent venir vivre au Canada et les délais d’attente ont explosé ces dernières années
2) le PEQ qui permet d’avoir le CSQ plus rapidement a été utilisé par certains pour « accélérer » et assurer la possibilité d’avoir une RP mais ensuite de vivre hors Québec
3) le profil des immigrants ne correspond pas exactement au besoin du marché. En Beauce par exemple on recherche des soudeurs et pas des ingénieurs. On recherche aussi bcq d’emplois qui n’exigent pas 10 ans d’étude mais plutôt des compétences techniques (ex boulanger, cuisinier,…)
Tout le monde a voulu « taper » sur le Québec, mais il ne faut pas oublier que pour le gros morceau c’est Ottawa qui tient le volant : VISA temporaire, émission de la RP (dont le délai est maintenant de +/- 2 ans après CSQ).
Ce qui est triste c’est de faire de la politique sur le dos de gens qui vivent des situations bien réelles et qui vivent aussi des grandes désilusions.
ce n’est que mon avis 🙂