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De Zogu

Les aventures de Didier au Canada, Chapitre 1: Ma cabane au Canada

Chers parents,

Si vous recevez cette lettre à travers les aléas de la poste de brousse et des transports en traîneau à chiens qui ont court ici, vous serez soulagés de savoir que je suis toujours en vie, mais tout juste. Sachez que les conditions de vie ici au Québec sont draconiennes. S’il vous plaît, continuez à m’envoyer des caleçons propres, car il n’y a pas moyen de laver ses vêtements ici. J’ai eu beau chercher les pressings dans le bottin téléphonique, je n’en ai trouvé aucun et j’ai été obligé de conclure que les quebeckois ne lavent pas leurs caleçons. Quel peuple rude.

Mon duffle coat, mes bottes et mes moufles n’ont pas encore servi, mais je les garde sous la main car la météo est très imprévisible ici. Il semble que je sois débarqué en pleine anomalie climatique. Vous vous rendez compte, il fait 25 degrés en juillet et pourtant je suis tout près du pôle nord. Les paysages de Longueuil sont à couper le souffle, je peux enfin vivre dans les grands espaces et dans la nature vierge, dans une région éloignée de toute civilisation.

Le but de cette lettre est de vous raconter l’aventure incroyable que j’ai vécu en Montérégie, région sauvage remplie de grizzlis et de moustiques sanguinaires. Un collègue français qui rentrait au bercail après un an en pleine brousse (à Saint-Bruno, ville de foresterie) m’a indiqué un lieu que je devais absolument visiter: la « sugar shack house » comme l’appellent les colorés indigènes qui habitent tout autour. Je n’ai pas encore aperçu de tipis, mais on m’a invité dans un bungalow pour prendre la batte devant la barbe au cul (ou quelque chose du genre). J’ai refusé l’offre, ça me semblait louche ces histoires d’attouchements. Jusqu’à maintenant, après trois mois au Québec, je n’ai d’ailleurs reçu aucune invitation sérieuse de la part des indigènes. Les quebeckois, quel peuple froid. Mais il ne faut pas les juger, vu leur difficulté à s’exprimer convenablement.

Bref je suis arrivé in ze sugar shack house (eh oui j’améliore mon Anglais) et un indigène barbu très typique m’a expliqué comment ils fabriquent le maple syrup (vi! vi!). Je ne suis pas certain d’avoir bien compris, étant donné que le vieil homme qui nous servait de guide parlait un curieux patois créole et qu’il me regardait d’un drôle d’air à chaque fois que je lui répondais en Anglais. Je crois qu’il était trop impressionné par ma maîtrise de cette grande langue civilisatrice, celle de ses ancêtres qu’il a malheureusement perdue lorsque ses ancêtres ont dégénéré pendant leur longue isolation. Il ne faut pas les juger.

En gros, le sirop de maple est fabriqué en faisant bouillir de la sève d’un arbre (le platane je crois) et en y ajoutant de grandes quantités de sucre. Le liquide est ensuite transvidé dans des cuves de fer quelque peu rouillées, ce qui lui donne sa couleur ambrée caractéristique. Il semble que ce soit la méthode traditionnelle que les quebeckois ont hérité des tribus de sioux et d’apaches qui vivaient dans le magnifique massif montagneux du Saint Lawrence River. J’ai refusé d’y goûter, vous comprenez bien chers parents que je tiens à ma santé et que ce produit ne correspond pas à nos standards européens de salubrité. Le propriétaire des lieux, un indigène barbu qui élève des élans (qu’ils appelle erronément des « orignaux », vous imaginez mon fou rire à chacune de ses phrases), a tenté de nous faire boire de l’eau de pluie accumulée dans une sorte de pissotière en tôle accrochée à un arbre, mais heureusement j’avais apporté avec moi une bouteille d’eau Evian, un produit sécuritaire qu’ils ne connaissent vraisemblement pas encore.

Soit dit en passant, n’oubliez pas de m’envoyer mes cachets contre l’angine, on n’en trouve pas ici et ils n’ont pas de drugstore non plus (j’ai cherché dans le bottin téléphonique, sans succès). J’ai essayé de demander aux gens dans la rue, alors que je visitais la région de west island (qui est le coeur du Québec historique), et éventuellement je suis tombé sur un Canadien sympa qui savait où se trouve un drugstore. « I wanna drog store pleeze » que je lui ai dit (je parle Anglais maintenant hein héhé), et il m’a fait signe de le suivre en avec un geste de la main. Hélas, une voiture de police en patrouille est passée dans la rue, et je ne sais pas quelle mouche l’a piqué, mais il s’est sauvé en sautant par-dessus une clôture de bois.

Sur le chemin du retour, après mon périple sur les pistes poussiéreuses de Montérégie et de West Island, je suis arrêté sur le bord de l’autoroute (Highway 20 comme ils disent ici) pour prendre des photos de ce superbe mammifère sauvage qu’est la marmotte. Nous étions tout près d’un stand à french fries (comme ils disent) et j’ai commandé des frites russes ou un truc du genre, je ne sais plus trop, ils appellent cela Eltsine » ou « Poutine » si je me rappelle bien. Enfin, ils ont dû faire erreur parce que les frites me sont revenues couvertes d’une glu brune et avec des morceaux de fromage dégueulasse. Alors là j’ai essayé de retourner la frite russe en disant à l’indigène, dans mon meilleur Anglais style Pulp Fiction, « Give money back to me! Now! » Le type s’est énervé, je crois qu’il n’a aucun humour, alors je suis retourné photographier les marmottes canadiennes, et là je me suis rendu compte qu’il y avait une foule immense sur le bord de la route. Eh oui, c’était un autobus rempli à ras bord de touristes parisiens qui étaient eux aussi en communion avec la nature.

Le chef de groupe était occupé à leur expliquer de ne pas tenter d’entrer en communication avec l’indigène, qui ne comprendrait pas notre langue trop complexe, pendant qu’une vieille dame leur distribuait une pétition contre le massacre des bébés phoques à Magdalen Islands, archipel sauvage et couvert de denses forêts giboyeuses, appartenant à Newfoundland. Quand j’y pense, je sens l’esprit de Jack London qui parcourt mes veines d’aventurier, j’ai un frisson et je verse une larme. La semaine prochaine, je pars visiter une réserve indienne typique loin des sentiers battus, dans la grande et magnifique région de Kahnawake. Je vous tiendrai au courant.

J’attendrai avec impatience votre paquet, que vous pourrez envoyer au motel où je crèche sur le boulevard Taschereau. Je vous remercie pour le fromage, le saucisson, la bouteille de Coca de France (ici le Coca ne goûte rien, la nourriture est tellement industrielle) et le Canada Dry. Notez bien que j’ai reçu votre mail (que j’ai récupéré au terminal de l’ambassade de France à Montreal), mais je n’ai pas réussi à utiliser les claviers canadiens car ils sont tous défectueux (les touches sont incorrectement installées). Il ne faut pas les juger, ils sortent tout juste des bois.

Je vous fais la bise.
Votre fils,

Didier (alias Zogu)

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