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Le journal La Presse a publié récemment un sondage mené auprès des Canadiens et des Québécois, pour connaitre leur perception sur la monarchie britannique et sur la visite, dans le pays, du couple princier Kate et William. La compilation des résultats fait ressortir des différences notables des opinions selon qu’on soit au Québec ou au Canada. Ainsi, 58% des Québécois sont en accord avec l’idée de couper tout lien avec la monarchie alors que seulement un Canadien sur trois y est favorable. Le même sondage indique même que 46% des Québécois sondés sont d’accord avec les propos tenus par Amir Khadir qualifiant le couple princier de parasites. Que faut-il en conclure? Que tout sépare le Québec du reste du Canada? Au Québec, les réponses vont être sûrement différentes selon que l’on soit du côté souverainiste ou du côté fédéraliste.

Un vieil ami algérien me demandait récemment quel temps il faisait au Canada. « Au Canada? à Québec ou à Vancouver? Parce qu’entre les deux villes, mon cher, il y a quelques 5 000 kms de distance et trois heures de décalage », lui avais-je répondu en gros. Mais à vrai dire, à la question de mon ami, je n’ai pas vraiment tiqué pour des considérations géographiques, aussi importantes soient-elles. Mais bien pour autre chose. Comment dire! Mettons que je n’aurais sûrement pas tiqué si mon ami m’avait demandé quel temps il faisait au Québec et ce même si son territoire était 4 fois plus grand. Pour mieux me faire comprendre disons qu’après près de cinq ans passés ici, j’ai tendance à croire qu’il faut dire que je vis au Québec exactement comme si je vivais en Algérie, en France, ou aux États-Unis. C’est-à-dire dans un pays à part entière. Par contre, si je vivais à Toronto, je serais enclin à dire que je vis au Canada et non pas en Ontario. Rien à voir pourtant avec l’idée qu’on peut se faire du Canada, de ses valeurs ou de sa qualité de vie. C’est un très beau pays où il fait bon vivre!

Les Québécois sont tous conscients qu’ils vivent dans un pays qui s’appelle le Canada mais se comportent comme si le Québec était lui-même un pays. On peut même dire que, dans la vie de tous les jours, le Canada est très peu présent dans « la tête » des Québécois. Au sens où il ne soulève pas les foules, ni les passions. Enfin, si parfois. Quand même! Comme lors des jeux olympiques de Vancouver, l’année dernière. Ce fort sentiment d’appartenance qu’ont par exemple les Kabyles pour l’Algérie, on ne le sent pas chez les Québécois vis-à-vis du Canada. Pendant que, le 1 juillet, partout dans ce grand pays de près de 10 millions de km2 d’étendue (Deuxième au monde), de Charlottown jusqu’à Vancouver, on célèbre la fête nationale, que font les Québécois? Ils déménagent ou aident leurs proches à le faire! En pédagogie, ça me fait penser aux stratégies d’évitement que les apprenants adoptent quand ils trouvent l’activité inintéressante. Et ce n’est pas parce que les Québécois n’ont pas le cœur à la fête. Les festivités de la Saint-Jean Baptiste (24 juin) réunissent des centaines de milliers de personnes à Québec, à Montréal et en région.

Pourtant, sentiment d’appartenance ou pas, les Québécois sont encore majoritairement favorables à ce que le Québec reste à l’intérieur du Canada, à en croire les sondages. On est différents mais on reste ensemble! C’est le message que semblent envoyer les Québécois à leurs « compatriotes » du reste du Canada. On dirait des Colocs! Pas le groupe musical montréalais mais des personnes qui ne forment pas un couple et qui choisissent de vivre ensemble – cohabiter – sous le même toit, pour les raisons qui sont les leurs. En général, il s’agit de questions de budget. Je ne suis pas en train de dire que le peuple québécois n’a pas les moyens de se donner un pays mais que c’est peut-être ce que beaucoup de Québécois pensent, à tort ou à raison. Du moins, jusqu’à présent.

Revenons à nos Colocs pour mieux cerner ce qui les caractérise. Ils partagent un espace commun et essaient l’un et l’autre de ne pas empiéter sur l’intimité et les choix de l’autre…dans la mesure du possible. Pas toujours évident tout de même. Il arrive que l’un ou l’autre veuille un peu plus d’espace, plus de liberté, ait des désirs de gérer cet espace selon sa sensibilité, ses croyances. L’autre peut acquiescer et trouver un terrain d’entente de façon à continuer de cohabiter comme il peut hésiter, tergiverser, voire s’opposer..etc. Si on regarde l’histoire, du Canada et du Québec, des trente dernières années, en revisitant les péripéties autour du rapatriement puis de l’adoption (sans le Québec) de la constitution canadienne, des accords du lac Meech et de Charlottetown, ça ressemble pas mal à des conciliabules de deux Colocs que bien de choses distinguent et qui essaient de s’arranger pour continuer de vivre ensemble.

Le fait est que, pour le Québec et le Canada (ou le reste du Canada – ROC), trente après le rapatriement de la constitution, ils n’ont toujours pas conclu d’entente (Échec des accords du Lac Meech et de Charlottetowon) mais n’ont pas décidé non plus de se séparer (victoire du Non au référendum pour la souveraineté du Québec de 1995 après celle de 1980). Le Québec n’a toujours pas ratifié la constitution canadienne même s’il est reconnu comme une nation depuis 2006. Dans les vingt dernières années, les Québécois (majoritairement) votent toujours différemment du reste du Canada, d’abord pour le Bloc Québecois puis pour le NPD lors de l’élection du 2 mai dernier. Sur nombre de questions de compétence fédérale, on note souvent des écarts importants dans les opinions entre le Québec et le ROC, qu’il s’agisse de l’environnement, de la politique étrangère ou de la culture. Or pour beaucoup de souverainistes, le projet d’indépendance du Québec trouve sa légitimité dans le fait qu’il constitue la seule voie pour traduire dans la réalité les aspirations de la majorité de la population québécoise en termes de projet de société. Les fédéralistes québécois misent sans doute sur la capacité du reste du Canada à reconnaitre un jour le Québec comme une société distincte avec des aspirations légitimes qui lui sont propres et à l’inscrire noir sur blanc dans la constitution. C’est ce qu’on appelle le fédéralisme asymétrique.

Revenons une dernière fois à la métaphore des Colocs pour dire qu’ils sont libres de rester ensemble ou de se séparer, même de façon unilatérale surtout quand ils n’arrivent plus à s’accommoder réciproquement. Il faudrait aussi qu’on reconnaisse au peuple Québécois son droit à l’autodétermination. Après, il en fera ce qu’il en voudra.

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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