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L’immigration et la perte d’un proche

Un sujet un peu délicat pour ma deuxième chronique de cette saison. En fait non, il s’agit déjà de la troisième… j’aurais largement préféré ne pas avoir à écrire cette deuxième chronique du 13 Septembre dernier ! En tous cas. Je ne voulais pas commencer l’année avec une chronique démoralisante pour tout le monde, mais je voulais la partager quand même car malgré tout, le sujet que j’abord fait partie intégrante de la vie d’un immigrant. Je vais essayer d’être bref, car il est inutile de disserter longtemps sur un sujet comme celui-ci. Mais, il faut bien le dire, beaucoup d’entre nous, les immigrants, ceux qui comme moi, ont laissé dans leur pays d’origine des parents et plus particulièrement des grands-parents ou encore des grand oncles et grand tantes, se sont à un moment donné posé ces questions inévitables : « Vais-je les revoir ? Est-ce possible que ce soit la dernière fois que je les vois ? ».

Lors de mes retours touristiques en France, au nombre de deux pour l’instant, je n’ai jamais pu m’empêcher de me poser ces questions. Et pourtant… on devrait le savoir. On le sait même. On sait que cette décision d’immigrer nous éloignera, au moins physiquement, de notre famille et aussi de nos amis, et qu’on devra se résigner à ne les voir qu’une fois par année. Mais… on part quand même ! Ce n’est pas contre eux, c’est pour nous. Égoïsme ? Non. Envie, nécessité, exploration, ouverture, épanouissement personnel… mais surtout : éviter d’avoir à se dire pendant toute une vie qu’on aurait pu le faire et qu’on ne l’a pas fait. On part quand même. Et même si on pense à « nos vieux », on se dit quelque part qu’ils seront encore là dans un an, et dans deux ans, et dans trois ans. Erreur d’appréciation majeure.

Lors de mon dernier retour, en Mai 2006, j’ai compris que ce serait alors la dernière fois que je verrais ma grand-mère de son vivant. Depuis le début de l’année, j’avais compris que son état de santé se dégradait de jours en jours, grâce aux coups de téléphone et aux courriels échangés avec ma famille, mais je savais déjà qu’elle ne serait plus comme quand je l’avais vue, en Mai 2005. C’était malheureusement bien vrai. Le décalage entre Mai 2005 et Mai 2006 était énorme. Puis l’état de santé de ma grand-mère s’est vraiment dégradé vers la fin du mois de Juillet / le début du mois d’Août. On le pressentait, on savait que le jour J arriverait sous peu, mais impossible de savoir quand exactement, et de toute façon on n’a pas envie de le savoir ni d’être en mesure de le prédire.

Les mêmes questions se sont alors mises à se télescoper dans ma tête. Je rentre? Je ne rentre pas? Ce n’est franchement pas raisonnable, je ne peux financièrement pas me le permettre… mais je n’envisage pas non plus de ne pas être là pour son enterrement ! De cinq minutes en cinq minutes, mon état d’esprit changeait, avant même le jour de son décès, et ce pendant deux semaines ou plus. C’était infernal mais je n’avais pas tout simplement pas le choix : j’étais à 6000 kilomètres de distance et 7 heures de vol de là. Je devais donc dores et déjà me poser des questions pratico pratiques assez terribles, et je devais en plus en faire part à ma famille, car leurs réponses devaient m’aider à faire mon choix final, quant à ma venue ou non. Je n’avais pas l’intention de me précipiter dans le premier avion avant son décès, quand les choses se sont précipitées, pour la voir une dernière fois. Je ne le souhaitais pas. Je voulais par contre lui faire l’honneur d’être là, au côté de ma famille et de mon grand-père, pour ce jour si sombre que je n’aurais pas supporté de vivre normalement, au travail, avec mes collègues qui, même s’ils compatissaient et m’ont tous présenté leurs sincères condoléances, ne pouvaient pas remplacer ces enlacements et ces corps qui se serrent et se soutiennent dans un moment familial difficile. J’ai finalement compris, le jour où j’ai appris que c’était fini, que j’avais ma réponse depuis le début. J’y allais, c’était certain. Quoiqu’il arrive.

Étant donné que j’étais déjà rentré en Mai, et qu’à l’époque nous prévoyions de rentrer une fois de plus cette année pour les fêtes de fin d’année, un troisième aller-retour de quelques jours en pleine saison estivale allait me coûter les yeux de la tête. Heureusement, toute ma famille s’est alors cotisée pour m’aider à rembourser le billet d’avion. Le problème financier était alors écarté, restait le problème de l’annoncer à ma chère boss. Certains lecteurs réguliers du forum d’immigrer.com connaissent à peu près mes conditions de travail et le tempérament de ma boss, c’était donc un obstacle de taille à surmonter. Soit elle refusait, et hop l’affaire était réglée, je ne partais pas et je m’en voulais pour le restant de mes jours ; soit elle refusait, je décidais de partir quand même et je me faisais virer avant même de revenir au pays ; soit enfin elle acceptait et tout irait bien. Elle a opté pour la troisième option, d’une façon plutôt compréhensive. Cet obstacle n’en était en fait pas vraiment un, en fin de compte. Dans ces moments là, n’importe qui peut être très convaincant quand il a la motivation nécessaire. Même en anglais dans le texte.

Le matin où j’ai appris la triste nouvelle du décès de ma grand-mère, étant réveillé un peu plus tôt que d’habitude par le fameux téléphone matinal que je redoutais tant mais qui devait bien sonner un jour, je suis donc allé un peu plus tôt au travail. Toutes les conditions étaient alors réunies pour que je puisse parler à ma boss et lui demander cette faveur. Et tant qu’à faire, c’était le moment où jamais de lui parler de mes plans de vacances pour Noël. Je suis donc arrivé dans son bureau à 8h40. « Did you fall from your bed? » m’a-t-elle lancé en rigolant. Elle a alors eu droit à un « Can we talk for a sec? » qui lui est sur le moment resté en travers de la gorge, car elle a cru que je lui annonçais que je quittais. « Oh my God. Oh my God. » J’ai du la rassurer tout de suite avant de lui demander mes deux faveurs. Je lui ai donc expliqué ce que je venais d’apprendre le matin même, et que je voulais absolument être présent à l’enterrement de ma grand-mère. C’était OK, du moment que tout ce qui devait être fait pour la semaine était effectivement fait ou programmé pour se faire. Normal. Je suis donc venu travailler quelques heures en plus le samedi suivant après deux soirées très tardives le jeudi et le vendredi pour m’assurer que tout était prêt. Pour ce qui est de Noël, elle a accepté plus ou moins verbalement, mais a refusé dernièrement de me signer la feuille de vacances « officielle » alors qu’entre-temps nous avions déjà acheté les billets d’avion… mais bon, c’est une autre histoire. Je pouvais partir. Une chose à la fois. Le soir même, il me fallait au plus vite surfer sur tous les sites d’agences de voyages et de vacances pour trouver le vol le moins cher et qui correspondait aux dates que ma boss m’avait fixé : si possible, départ lundi soir et retour le jeudi soir. Ok pour le départ le lundi soir mais ça ira à vendredi pour le retour. Au bout d’une heure et demi de recherche assidue, j’ai fini par trouver des prix pas pires (pour la saison) sur Air Transat. FlyZoom, Expédia et les autres compagnies du même type n’avaient pas de prix intéressants pour la période, et les dates proposées ne correspondaient pas du tout aux miennes et à mes obligations vis-à-vis du travail. Qui dit Air Transat dit aussi Terminal Charles de Gaulle 3 et un peu plus de temps pour prendre le TGV au terminal 2 mais bon… c’est pas bien grave, hein… faut ce qu’il faut.

Quelques jours plus tard, j’étais donc en France pour trois jours et trois nuits. J’ai alors ressenti une sensation indescriptible, comme si quelque chose d’irréel, d’impossible était en train de se dérouler. A peine une semaine auparavant, je n’aurais jamais pu imaginer que j’allais me retrouver en France le mardi matin suivant. Cette impression irrationnelle ne m’a pas quittée une seule fois du séjour. J’étais subitement en France, qui plus est, pour l’enterrement de ma grand-mère maternelle.

L’enterrement en lui-même, de même que le jour qui a précédé et le jour qui a suivi, s’est déroulé… comme un enterrement. Je n’ai pas vécu beaucoup de funérailles dans ma petite vie, mais j’imagine que cette ambiance de profonde tristesse, mêlée à la joie intense de revoir des proches que l’on n’a pas vu depuis des années, est commune à la plupart des enterrements. Je n’entrerai pas plus dans les détails, un enterrement est ce qu’il est, avec ses peines et ses joies, ses larmes et ses rires.

J’étais déjà dans l’avion du retour, après une nuit d’à peine une heure et demi de sommeil passée à discuter avec ma s’ur chez qui j’avais passé ma troisième nuit à Paris. Et hop, de retour à Montréal. Ces quelques jours furent intenses en émotions, de la tierce mineure à l’accord parfait, et je ne regrette absolument pas aujourd’hui d’avoir fait le déplacement. J’aurais eu comme je l’ai dit énormément de mal à rester là, si loin de tout le monde.

Je sais aussi que j’ai eu de la chance en quelque sorte, dans mon malheur : toutes les conditions ont pu être réunies pour que je puisse revenir. Je sais aussi que certains immigrants n’ont pas eu ou n’auront pas le privilège de pouvoir rentrer juste trois jours pour « être là ». Je sais enfin aussi que je ne pourrai peut-être pas rentrer quand ce sera le tour du prochain. Ma façon de dire les choses est crue, vous trouvez ? Oui, certainement. Mais l’immigrant que je suis s’est vu obligé de se poser ce genre de questions qui dérangent. Je ne regrette en rien d’être à Montréal et d’avoir mené ce projet à bien avec ma bien-aimée. Mais, faire face à la perte d’un proche et au deuil qui s’en suit à distance est malheureusement le lot de chaque immigrant. Nous devons vivre notre deuil à distance, et par conséquent celui-ci est souvent plus long, pour nous qui n’avons pas pu vivre toutes les étapes qui conduisent inexorablement vers la fin de l’existence de l’être cher. On se dit « préparés » psychologiquement ? On ne l’est pas du tout. Immigrant ou pas, c’est pareil pour tout le monde, mais c’est tout de même particulier pour nous.

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Écrit par
Tof

Qui suis-je? Moi c’est Christophe, je suis originaire du Nord de la France où j’ai passé mes 24 premières années avant de poser mes valises à Montréal le 16 Mai 2004. J’ai travaillé en tant qu’informaticien et webmaster pour plusieurs entreprises de Montréal. Pourquoi avoir choisi d’immigrer? Parce que. Besoin de changer d’air, d’ouvrir mes horizons, de voir comment ça se passe ailleurs dans le monde et ce que ça peut m’apporter personnellement. Pourquoi le Québec ? Parce que parce que c’est l’Amérique en français (et non l’Amérique à la Française), parce que c’est vrai que c’est plus « facile » entre guillemets, parce que je voulais savoir ce que ça faisait -30 degrés sous zéro, parce que je pensais que tout le monde parlait français et quelques-uns anglais, parce que (à suivre – liste non-exhaustive)

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