Ma Québéquation
Mon histoire commence dans une chambre de bonne parisienne : 16 m2 au cinquième étage d’un immeuble sans ascenseur, avec odeurs et borborygmes du voisin compris dans le loyer.
Guitare à la main et verres de rouge à l’esprit, je me suis mise à rêver…. Rêver d’une vie meilleure, plus simple et plus saine. Impossible de dire pourquoi mais ces trois conditions trouvaient leur solution dans un simple mot de trois syllabes : le Canada.
Cela va en faire rire beaucoup mais la cabane, le lac et les virils bûcherons constituaient pour moi l’unique image que j’avais du Canada. Honte à moi, mais c’est sur cette unique caricature que ma décision fut prise et me mena au matin du 25 août 2004, jour de ma traversée de l’Atlantique.
Je crois que je n’oublierai jamais cette journée…. pluvieuse à souhait, dans le ciel comme dans mon cœur. Ce que j’avais décidé sur un coup de tête se concrétisait à ce moment précis. Le discours devenait réalité. J’ai découvert alors que ce qui est facile dans les mots ne l’est pas forcément dans les actes.
Toute ma famille était venue à Paris pour partager un dernier repas…. et je dois dire que je n’en menais pas beaucoup plus large que Jésus dans les mêmes circonstances. Voir mon charismatique papa, généralement réticent à toute effusion sentimentale, fondre en larme…. Voir ma petite mamie se cacher pour pleurer…. Je sentais cette ambiance lourde, empreinte de douleur, qui fit de cette journée l’une des plus marquantes de ma petite existence.
Il n’en fallait pas plus pour que je me promette de tout faire pour que cette aventure soit une réussite et pour que ces larmes n’aient pas coulées pour rien.
Quelques heures plus tard, mes petits petons et ceux de mon amoureux foulaient pour la première fois d’humides Mirabel. Sensation bizarre que de se dire que c’est dans cet endroit inconnu que vont se dérouler les prochains mois, voire les prochaines années de votre vie. Justin l’Haïtien nous embarque dans son taxi et nous fait traverser Montréal. L’aventure commençait ici.
Plutôt que de me perdre dans les méandres de mon quotidien québécois, je préfère regarder de haut ces 8 mois passés ici et ne tirer que la substantifique moelle de cette expérience.
Ma première découverte fut celle du Québec. Des trois syllabes du Canada, j’en ai perdu une pour arriver au Québec. Mais des pertes comme celle-ci…. j’en redemande…. Je crois en effet qu’il n’y a pas un jour où je ne savoure le plaisir de vivre au Québec. Cette province dont l’Histoire me paraissait anodine m’apprend au quotidien la lutte qu’elle a due mener pour être ce qu’elle est aujourd’hui. Moi qui passais ma vie à chercher des places de parking devant mon pressing, je me plais désormais à défendre bec et ongles la langue de mes ancêtres.
Mais que serait le Québec sans les Québécois ? Là encore, je me délecte régulièrement de nos différences culturelles…. Ce petit côté très facile d’accès doublé d’une barrière nette sur l’intimité, ce temps et ces étapes nécessaires à l’intégration de la sphère personnelle de chacun, ou encore ce haut degré de serviabilité contrebalancé par moultes portes reçues dans la figure des jeunes demoiselles. J’aime ces contrastes et ce bonheur qu’est celui d’arriver à pas de loups dans la vie de mes nouveaux amis québécois.
Difficile de passer également à côté des différences majeures rencontrées dans le contexte professionnel. Moi qui souffrait des « prends ton temps », des « joue à Tetris en ayant l’air très occupée » ou encore des « écoute ton chef et tais toi tout en gardant le sourire », je crois avoir trouvé ma thérapie en la méthode de travail nord-américaine. Les choses vont vite, dans un sens comme dans l’autre, et chacun semble devoir faire le nécessaire pour mériter la place qu’il occupe. La hiérarchie verticale est remplacée par une hiérarchie horizontale, plus flexible, ce qui a le mérite de me donner beaucoup moins de boutons.
Seul point négatif…. l’absence des fameux bûcherons virils.
Les promenades dominicales m’offrent les cabanes et les lacs dont j’ai tant rêvés mais pour les bûcherons, nous avons du trouver une autre solution….
Désormais, chaque jeudi à 19h37, mon amoureux a la haute responsabilité de chausser bas et culottes, d’endosser sa plus belle chemise carreautée et de me faire danser au son des cuillères qui s’entre-claquent. Me voilà donc rassurée.
Une vie meilleure, plus simple et plus saine…. C’est cette envie qui a guidé mes pas ici, cette envie remplie d’inconnu et à laquelle je n’ai fait que trouver une solution mathématique : ma Québéquation.
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