Mauritanie
Dimanche 7 novembre 2004.
Me voici en route entre Nouakchott et Nouadhibou, sur le chemin du retour qui nous fera bientôt quitter la Mauritanie que je suis venue explorer en 4×4 depuis le 23 octobre.
Après le périple de la descente depuis la France par l’Espagne, le Maroc et le Sahara Occidental, après la traversée vers l’est de Nouadhibou vers Choum, le long de la célèbre voie ferrée mauritanienne et les plus longs trains du monde, après la boucle vers le sud puis l’ouest plus sahéliens, par Chingetti, Kiffa et la frontière avec le Sénégal, après la découverte des innombrables et sublimes paysages que j’ai savourés ces dernières semaines : dunes de sable orange, jaune, blanc ou brun, canyons, palmeraies, savane, oueds asséchés, baobabs, déserts de pierres, etc., tout à coup, sur cette route de terre toute droite, toute plate, toute blanche d’où on ne voit rien et qui signifie la fin de cette aventure, avant les 4000 km du retour, il me vient soudain à l’esprit, alors que je remarque qu’on ne voit même pas l’Atlantique à gauche malgré sa proximité, tant le paysage est plat, mon esprit rejoint inexorablement ma vie au Québec que je vais bientôt retrouver. Je m’étais promis de lire les chroniques et présentations de mes chers nouveaux collègues chroniqueurs avant de partir. Les préparatifs oppressants de dernière minute, le bouclage des derniers projets professionnels avant ces trois semaines de vacances, les visites des amis et de la famille en France pendant les 3 semaines avant le voyage, ne m’ont pas permis de lire et encore moins d’envoyer des messages de remerciements et d’encouragements aux nouveaux petits chroniqueurs.
Alors voilà, tout à coup, à bord de ce 4×4 qui est ma maison depuis plus de 2 semaines maintenant, alors que je n’ai pas très envie de penser à la fin de cette aventure africaine, je me souviens que j’avais pris soin de stocker les présentations et les dernières chroniques des copains sur mon Pocket PC.
Je découvre ainsi en retard les inquiétudes de Monika, je lis les pensées d’Eddy qui sont loin de m’être étrangères, je dévore les réflexions de ma chère Katy dont j’espère le départ se passe bien puisque aujourd’hui je sais qu’elle fait le grand saut … Que c’est bon de retrouver ce petit monde là qu’il me tarde tant de retrouver. À ces lectures, les larmes de joie me montent aux yeux, le sourire me vient aux lèvres….
Steph (mon « pilote » dans cette aventure) me regarde du coin de l’œil, amusé et sourit : « T’as hâte de retourner chez toi, toi, hein? »
Oh oui…. aucune hésitation. Mon grand sourire remplace aisément toute réponse. Oui j’ai hâte de retrouver ma nouvelle vie …. comme toujours…. J’ai hâte de revoir tout le monde, surtout avant que tout le monde ne s’éparpille loin les uns des autres pour Noël.
Je suis heureuse. L’ambiance n’a pas toujours été facile pendant ces quelques semaines de promiscuité avec ces baroudeurs que je connaissais, somme toute, à peine, mais que c’est bon de sentir que j’ai la chance de ne pas redouter de rentrer chez moi, que tout ce qui m’attend là-bas me fait me sentir bien…. pas de patron qui me stresse, pas de job qui m’ennuie, pas de vie de couple qui me pèse et me frustre, pas de société qui m’agresse et me déçoit, pas d’avenir qui m’inquiète, pas d’angoisse à l’idée de ne pas réaliser mes rêves…
Oui je voyage beaucoup, même lorsque je n’ai pas envie de quitter mon chez moi au Québec, mais, contrairement à autrefois et à de nombreux voyageurs, je ne fuis rien. Je m’impose juste cette discipline de continuer à découvrir le monde et à voir ma famille pour ne pas regretter mon choix de vie. J’estime que tout bonheur implique des efforts et une grande rigueur. Et puis cet énorme et excitant désir d’explorer, de découvrir, de ramener des trésors de souvenirs est irrésistible, malgré mon toujours sincère plaisir de rentrer et de partager toutes ces découvertes avec ceux qui rendent ma vie formidable là-bas, chez moi… de l’autre côté de l’océan, les faire rêver, apprendre, comprendre, renseigner….
Oui c’est du stress de quitter mon chez moi pendant 2 mois presque 2 fois par an. Contrairement à ce que beaucoup s’imaginent, c’est très loin d’être des vacances. Au point que mon homéopathe pense que c’est la source de nombreux disfonctionnements de santé. C’est une grande organisation pour laquelle il faut beaucoup d’énergie et de détermination pour réussir à tout faire en même temps. Mais ça vaut le coup. Mes amis se moquent souvent de me voir tout faire pour rester proche de ma famille, de ne pas manquer de les appeler lorsque je le peux même lorsque c’est difficile (comme en plein Sahara). Mais je le fais car je pense leur devoir ça. Je sais qu’on ne peut pas vraiment être heureux de toute façon si l’on sait que d’autres sont inquiets ou tristes à cause de nous. J’ai eu besoin de partir pour m’épanouir et ce n’est pas une raison pour leur faire payer et gâcher un peu leur vie. Alors, oui, je m’impose de leur montrer un grand respect, une grande reconnaissance et beaucoup d’amour. C’est pesant de rentrer en famille lorsque l’on vit seule, loin et depuis longtemps, mais c’est important pour moi de me l’imposer, de ne pas me rendre coupable de trop d’égoïsme, même si pour eux, mes retours et mes coups de fil ne seront jamais suffisants. L’important est toujours de savoir que l’on fait son possible, avec amour, et que l’on n’a rien à se reprocher.
C’est ça l’équilibre enfin trouvé, réussir à allier son bonheur tout en ne rendant pas les autres malheureux. C’est indissociable. Comme il est inacceptable d’être malheureux à se sacrifier pour les autres, ne pas être heureux est un manque total de respect pour ceux qui nous ont mis sur cette Terre. Il faut tout faire pour être heureux, par respect pour ceux qui nous aiment. Mais de la même manière, il ne faut pas penser qu’à son bien être au détriment de celui des autres. L’équilibre est possible, il faut s’en convaincre et le chercher. Mais en effet qui dit équilibre, dit efforts…. Par définition, on ne peut pas garder l’équilibre sans rester alerte, conscient. Mais ces efforts pour moi, sont la clé d’une vie réussie. J’ai l’impression que le bonheur n’est pas pour les fainéants. Parfois on fatigue, on n’a plus envie de faire d’efforts, on veut ne vivre que pour soi, c’est plus simple, mais ça ne marche pas, à la longue. On croit que les petits plaisirs seront suffisants, mais ils ne le seront jamais car le déséquilibre grandira à l’intérieur, comme la culpabilité, la frustration, etc. Alors les efforts de rentrer, de se réhabituer à la famille, de s’organiser pour mettre sa vie quotidienne un peu en suspens, même s’ils sont usants, contribuent plus profondément à une vraie sérénité, selon moi. Je n’ai pas encore trouvé le secret permettant de complètement allier tout ça pour que ça se passe sans heurt et sans fatigue, mais je suis sûre que ça viendra. Il faut trouver le bon rythme.
Et puis, quoi de plus épanouissant que de garder le contact tout en découvrant le monde et ainsi pouvoir allumer des étincelles dans les yeux de Prune et Rémi qui ne me verront peut-être jamais souvent mais qui sauront que, quelque part, Tatie pense toujours un peu à eux et essaiera toujours de les faire rêver et d’abreuver leur curiosité.
Peut-être que je n’aurai jamais d’enfants, mais au moins, j’espère bien ainsi faire rêver et inspirer les gens et les enfants qui m’entourent. Ça sera toujours ça ?.
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Maintenant, nous sommes le 15 novembre, je suis bien rentrée. J’ai plus de 2500 photos et plein de souvenirs.
Encore une semaine en France à partager entre la famille et le retour au travail et puis je serai de retour dans mon Nouveau monde (à encourager mon petit corps à négocier le passage de 42°C à -15°C :)), mais surtout à rattraper ces presque deux mois d’absence auprès de ceux à qui j’ai manqué
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