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Mercredi 28 novembre 2001, 17h45…

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La traversée : le récit complet

Mercredi 28 novembre 2001, 17h45
15 min pour écrire avant l’heure du repas.
Cela fait maintenant 2 h que je suis entrée dans le port du Havre. Après avoir un peu hésité dans cette immensité grouillante et agitée qu’est un port de marchandises, nous avons trouvé le terminal de l’Atlantique et les bureaux de Canada Maritime. L’un d’eux nous a proposé de le suivre en voiture jusque sur le bateau. C’est normalement interdit mais l’éventualité de décharger ma tonne de bagages d’une Xzara Picasso à une clio a eu raison des dernières hésitations. Ainsi mes parents et moi avons été présentés au capitaine, un écossais d’Édimbourg et ils ont ainsi pu, tout excités, visiter la passerelle et assister au déchargement des containers à l’aide de ces impressionnants  » cavaliers « , ces grues/transporteurs sur huit roues aux allures d’araignées faucheux et qui filent à toute vitesse pour emporter les containers ailleurs.
Pour l’instant, mes impressions : HALLUCINANT !
Les gens sont super sympas et cool et je distribue des sourires à tout vent : ça y est enfin, le grand départ. Même les ouvriers montés sur les containers en face de mon hublot aidant au déchargement des containers me font des signes commiques me faisant comprendre qu’ils ont froid pendant que moi je n’ai pas l’air de m’en faire.
La cabine est digne d’un hotel 3 étoiles, peut-être même franchement 4 puisque j’ai un grand lit, un coin salon canapé 3 place, un bureau avec fauteuil super confortable, un frigo, une salle de bain avec douche et toilettes, et plein de tiroirs et placard, etc. etc.
Au quatrième étage également, un salon avec de nombreux canapés et fauteuils, la télé et un magnétoscope, une chaîne, des livres et des vidéos est à la disposition unique des passagers, c’est à dire : moi, un suisse d’une cinquantaine d’années, qui semble avoir beaucoup voyagé et n’espère qu’une chose que la mer soit mauvaise, et un militaire canadien, que je n’ai pas encore vu, de retour de Bosnie.
Un coin cuisine avec des victuailles en cas de petit creu avec micro-onde, frigo, cafetière, grille-pain, etc. est aussi à notre disposition.
Les opérations de déchargement du cargo sont impressionnantes. Ces énormes grues et cables déchargent les containers qui sont ensuite pris en charge par les cavaliers et emportés ailleurs.
Le hublot de ma cabine donne sur l’avant, c’est à dire sur les containers qui s’élèvent sur 5 étages. Bref, à part en regardant sur les côtés je ne devrais pas voir énormément de mer depuis la cabine. Mais bon, il y a le salon d’où la vue est un peu meilleurs et nous avons le droit d’être sur la passerelle tant qu’il ne fait pas nuit ni très mauvais temps. Nous pouvons également sortir assez librement sur l’arrière à différents niveaux. Quant au pont principal qui fait le tour du navire, il faut demander l’autorisation car c’est dangereux : le vent, les vagues, les risques de chutte d’objet dangereux, etc.
Le premier dîner (je suis un peu inquiète puisque je sais que nous mangerons Indien toute la semaine) c’est très bien passé, même si je n’avais absolument pas faim. Je pense qu étant donné que le capitaine est Écossais, le cuisinier ne doit pas trop forcé sur les épices : soupe poulet vermicel à laquelle nous ne nous attendions pas du tout, porc et mouton avec poix chiche et choux fleur tout ça au curry mais pas relevé du tout et pain indien et dessert qui m’a beaucoup plus : semoule vanillée je crois aromatisée pistaches et noisettes.
Après le repas nous sommes montés voir aux commandes et il n’y avait personne. C’est pas franchement autorisé de pénetrer là sans membre de l’équipage mais nous n’étions encore pas trop sûrs des règles.
Il y a un ouragan sur l’Atlantique et la Manche est prévue agitée….. Il faut que je colle mon patche anti-mal de mer…. juste au cas où….
Bon demain, lever 4-5h il paraît pour assister au départ puis petit dèj entre 7h30 et 8h30. Petite nuit mais j’aurai le reste du temps pour me reposer…. et profitons-en, tant que je ne suis pas malade J

Jeudi 29 novembre 2001
10h46 (on a reculé d’une heure ce matin à 8h)
Les containers ont continué à être chargés jusque tard dans la nuit. Je n’ai pas beaucoup dormi évidemment même si la cabine est parfaitement confortable.
Le cargo a commencé les manœuvres pour quitter le port à 6h précisément comme prévu. Un remorqueur le guidait le long du chenal. Il faisait nuit noire mais il ne faisait pas mauvais. J’ai assisté à tout ceci depuis la passerelle. L’homme chargé de guider le cargo hors du port (il faut toujours qu’un bateau soit guidé dans et hors d’un port par un capitaine du port en question) a ensuite quitté le navire pour rejoindre la côte.
J’ai donc regardé le Havre puis les côtes françaises se perdrent dans la nuit. C’était très beau. Tout illuminé de lumières de différentes couleurs. Nous sommes restés là-haut jusqu`au petit déjeuné à 8h (céréales, toasts de pain complet avec beurre salé, oeufs au plat avec champignons et jus de mangue) puis je suis retournée me coucher..
Je sens légèrement les effets secondairedu patch contre mal de mer mais bon, je préfère ça à devoir rester coucher plusieurs jours au cas où.
Il pleut et tout est gris autour de nous. Ça ne bouge pas trop pour l’instant, le capitaine nous a dit que ça devrait se gâter aux alentours de minuit ce soir.
Bon je vais faire un tour dehors maintenant avant de me replonger dans mon livre un petit peu. Ensuite, il y aura le déjeuné à midi. L’autre passager, Daniel, qui a l’habitude des voyages en cargo, m’a avoué qu’on a l’impression d’être toujours à table lors d’un tel voyage.

17h05
Il fait déjà presque nuit sur l’océan. Le cargo a été encerclé de brume et de pluie toute la journée sur cette Manche que nous nous apprêtons à quitter. Aux vues des cartes de la passerelle dont je reviens tout juste, il ne nous reste plus qu’à dépasser les côtes de Cornouailles pour nous retrouver vraiment au large cette fois. Je suis sortie après le déjeuné. Il pleuvait un peu, il fait du vent.
J’ai ensuite lu pendant plusieurs heures, confortablement installées dans mon sofa.
La passerelle est vraiment un endroit terriblement agréable. Le soir il y fait toujours très sombre pour que les officiers puissent voir ce qui se passe au large. Le ronronnement du moteur, de la mer et du vent nous poussent presque à parler à voix basses. Il y fait bon et les machines diverses éclaire la pièce de leurs cadrants et affichages fluorescents.
Mon état d’esprit en ce moment précis : un sentiment de confort douillé, chaleureux et paresseux. Les rares bruits discordants qu’on pourrait entendre sur un cargo chargé ainsi et son maigre équipage (une vingtaine de personnes) sont couverts par le bercement ronronnant de la navigation.
Dans une heure déjà le prochain repas.
22h10
Encore plusieurs centaines de pages lues confortablement installée sur les coussins mous du sofa, bercée par les flots plus agités désormais que nous nous trouvons en pleine mer. Les fonds ne sont pas encore très profonds. Dès demain matin nous passons aux choses sérieuses. Je ne souffre pas du tout du mal de mer même si le rouli est bien marqué maintenant. Il y a un peu plus d’une heure, j’ai été faire un tour à la passerelle. L’étendue immense de l’océan se devine dans cette obscurité complète. Pas une seule lumière à l’horizon sauf la petite lumière au dessus de la proue droit devant. C’est un sentiment fabuleux de se savoir si peu nombreux ainsi au milieu d’une telle immensité vide.
L’ouragan va être contourné mais l’océan devrait en être quand même très agité dans les jours qui viennent. Les vagues déferlant sur les containers commençent à être impressionnantes ce soir. L’écume si blanche se détachant dans l’obscurité de chaque côté du cargo.

Vendredi 30 novembre, 11h35
Ce matin j’ai raté le décalage horaire, j’avais une heure de retard pour le petit déjeuner. On change d’heure tous les jours à minuit.
Je suis ensuite monté à la passerelle pour admirer l’océan agité. Il paraît que le pire pour l’instant à été la nuit dernière aux alentours de 4h. Je sais que ça bougeait beaucoup et je me suis levée plusieurs fois pour regarder par mon hublot. Il faisait noir.
Le capitaine dit que ce n’est pas la saison pour les baleines, qu’elles sont à l’heure actuelle le long des côtes du Brésil ; mais que parfois on pouvait apercevoir des dauphins ou des orcs profitant des vagues le long du cargo pour se laisser porter. Les chaises hautes de la passerelle sont vraiment agréable : on peut lire tranquillement tout en aillant une superbe vue.
Je viens de sortir prendre en photo le premier rayon de soleil furtif depuis le départ. Le ciel s’éclaircit devant nous mais il y a quand même beaucoup de vent dû à la haute mer mais également à la vitesse du cargo.
Dans 20 min, à nouveau un repas.
16h35
J’ai passé cet après-midi plutôt ensoleillé sur la passerelle à regarder l’océan bouger et changer de couleurs. Le temps change a une telle vitesse que les heures passent sans ennui. Le ciel s’ouvre et se referme au rythme de la course des nuages. Après quelques moments ensoleillés, la cargo a traversé une rapide averse comme s’il s’agissait d’un rideau. La pointe de l’Irlande a été dépassée et nous avons pu apercevoir trois bateaux de pêche apparaissant et disparaissant entre des vagues d’environ 5 m de haut même si elles semblent toutes petites d’ici. Pour l’instant la mer est de force 7-8. ça bouge pas mal mais je ne me sens pas du tout malade. Il paraît que certains membre de l’équipage le sont.
20h30
Après le diner, je me suis rendue à la passerelle pour voir où en étaient les humeurs de l’océan. Toujours pareil, même un peu plus calme. Mais le clou du spectacle a été de comprendre pourquoi il faisait moins sombre qu’hier : la pleine lune illuminant de sa pale lumière argentée le sillon du navire.
Le capitaine nous a appris que dans 36 h, un orage impossible à éviter nous frapperait de plein fouet. Et mon patch anti-mal de mer qui arrive à expiration et que je ne souhaitais pas remplacer !…. Il faudra que je prenne une décision, le remettre ou me contenter des comprimés homéopathiques au cas où….

Samedi 1er décembre
7h30
Hier soir, le 3eme Officer, Rahul, m’a très gentiment appelé depuis la passerelle car il neigeait et pensait bien que je voudrais voir ça. Je suis arrivée trop tard. Il paraît que comme un rideau blanc, l’averse s’est abattue sur le cargo et n’a duré que quelques minutes.
Tout va bien. Je suis ravie et très fière de faire ce voyage. C’est saisissant de réfléchir que je suis en plein océan en direction de Montréal, mon nouveau chez-moi tant attendu.
16h40
Grande nouvelle ! Pendant le petit déjeuner, j’ai vu mes premiers dauphins ! Ils paraissaient tout petits mais le capitaine nous dit que c’est un effet d’optique car nous sommes si haut au dessus de la mer et qu’ils font en fait 1,5-2m de long. C’est difficile à croire pourtant. J’aurai bien aimer continuer cette observation fascinante avec des jumelles mais le cargo allait bien trop vite pour ces petits dauphins que j’ai perdu de vue très rapidement.
Nous avons ensuite eu la permission de monter sur la terrasse au dessus de la passerelle, le dernier étage possible du cargo. Il y avait bien évidemment beaucoup de vent et celui-ci était très froid, mais c’était grisant de pouvoir être à l’air libre comme ça. J’ai aperçu un dauphin à nouveau.
Nous avons eu de belles éclaircies mais aussi de la grèle.

Dimanche 2 décembre 2001
19h
Cela fait plus d’1h que nous sommes au cœur d’un grand orage atlantique. TERRIFIANT. J’en suis toute retournée et cela a bien failli être le dernier souffle de mon cher laptop….
J’ai retiré mon patch hier soir, mais ça n’a pas été la grande forme depuis ce matin (peut-être que mon estomac commence à refuser le nouveau régime alimentaire.) Comme la journée s’anonçait grise et la mer plutôt mauvaise avec le vent force 8 depuis pratiquement ce matin, je décidais d’en remettre un autre pour que mes derniers jours en haute mer ne soient pas gâchés par le mal de mer.
Bien m’en a pris car dès 2-3h nous entamions une grosse tempête qui ne pouvait être évitée avec un vent force 10 !! Vu le mauvais temps, certains de l’équipage devaient sortir pour resserer les cables de containers qui se détendent toujours un peu du fait des vibrations. Pour ce faire, vu le danger d’être happé par les vagues d’une dizaine de mettres, une fois le côté à l’abri du vent vérifié, le capitaine doit ralentir le cargo pour changer légèrement de direction et mettre le dernier côté à vérifier à l’abri. Mais la force du vent n’étant plus compenser par la force du moteur dans une telle manœuvre prend le dessus. Le cargo et ses ** tonnes s’est alors vu bousculé par les vagues le changeant de direction et prenant les vagues de côté. Résultat : un gîte impressionant, terrifiant ; le cargo tanguant de droite à gauche et non plus seulement roulant de l’avant vers l’arrière. J’assistais à ce spectacle rarissime depuis la passerelle lorsque le gîte atteint 35 degrés et le vent force 11 avec d’énormes vagues. L’amplitude du rouli était de 15 mettres. Tout commença à voler sur la passerelle. M’inquiétant pour mon laptop que j’avais laissé ouvert sur le bureau de ma cabine, je décidai de descendre pour constater les dégâts. Mais, le temps que j’arrive à ma cabine, la situation s’agrava et le gite atteint 42 degrés (45 étant l’inclinaison maximale au delà de laquelle le bateau devrait se coucher sur le côté et sans doute se retourner emporté par le poids des *** containers.) Je m’évertuais pendant ce temps-là, couchée sur le sol et m’arc-boutant contre les meubles et les murs de ma cabine, à réunir tant bien que mal toutes mes affaires tombées à terre et les forcer dans les tirroirs et placards. Cette fois le fauteuil, pourtant lourd, se renversa entrainant avec lui mon cher laptop qui jusque là y était tombé heureusement refermé. Le disque dur s’en trouva expulsé pendant que ma valise de 25 kg posée ouverte sur le divan glissait d’un côté ou de l’autre à chaque tangage. J’étais alors franchement terrorisée et tremblaient sincérement de tous mes membres. Je pouvais entendre toutes les affaires et meubles de l’étage valdinguer d’un bord à l’autre sans arrêt. Heureusement que nous avions eu la présence d’esprit avec mon père de tout bloquer mes sacs et valises car je me serai sans doute retrouvée à me battre contre tous mes bagages.
Tout l’équipage fut pris de surprise par cet incident imprévu et il y eu beaucoup de casse dont des chaises, des tables mal arrimées etc. et le dîner du soir que le cuisinier venait de finir. Le laptop du capitaine a lui rendu l’âme et sur la passerelle il paraît que les choses étaient parfaitement effrayante puisque arrivé à 42 degré de gîte, ce poste qui est le plus haut du navire et faisant toute la largeur du navire, semblait touchait l’eau d’un côté puis de l’autre. Tout vola y compris les provisions du réfrigérateur qui s’ouvrit de lui même. Les officiers devaient éviter les projectils tout en s’évertuant à s’accrocher tant bien que mal. Certains appareils (imprimante, jumelles, cafetière etc.) se sont également trouvés fracassés après avoir été projetés d’un bord à l’autre du navire.
Impressionnant. Cela dura plus d’une heure et je commençais à trouver le temps interminable. Le tumulte du vent furieux, des vagues gigantesques rencontrant dans un choc le fond du navire chaque fois qu’il retombait, des containers qui grinçaient, de la structure du navire qui gémissait sous les contraintes de l’eau et du vent, étaient terrifiants. Quelle émotion ! J’en ai encore des frissons.
La cuisine et la salle à manger étaient dévastées. L’huile et toutes les sauces et liquides immaginables s’étaient répandus sur le sol et avaient tout recouvert du fait de l’incessant va et vient du tangage. Quelle soirée ! Quelle expérience !
Il est désormais 21h15, les choses se sont bien calmées mais l’orage est toujours là. Je pense avoir du mal à trouver le sommeil ce soir. Quelle aventure !

Lundi 3 décembre
Après les émotions d’hier, tout paraît être plus ou moins revenu dans l’ordre. Certains signes (les chaises cassées et les murs éclaboussés de diverses sauces de la salle à manger, etc.) montrent bien que cette tempête n’a pas été le fruit de mon imagination. Aucun des membres de l’équipage n’a jamais vécu un tel gîte pour un si gros bateau. Je me demande vraiment comment nos ancêtres on pu se rendre au nouveau monde dans leur navire de bois bien moins gros et puissant que celui-ci avec des tempêtes pareilles. Le capitaine dit qu’il traverse 2 ou 3 tempêtes de la sorte chaque hiver. Mais ce que semble vouloir faire comprendre l’équipage (qui n’aiment pas beaucoup le capitaine) c’est que de telles tempêtes existent en effet mais qu’il est justement très dangeureux de ralentir le cargo car cela fait perdre le contrôle du bateau.
Enfin, nous sommes tous sains et sauf. Seul le cuisinier a été légèrement brulé.
On se souviendra tous de cette tempête, un moment rare, grandiose et terrifiant que je ne revivrais sans doute jamais comme ça aux premières loges.
Le capitaine, aujourd’hui que le temps est meilleur, a accepté de nous emmener faire le tour du bateau (nous n’avons pas le droit d’aller sur le pont principal d’où on a accès aux containers.) C’est très différent de voir l’océan de plus près ainsi et on peu facilement imaginer la hauteur des vagues, alors qu’il est difficile d’en juger depuis la passerelle. On a pu alors constater les dégâts sur les containers. Certains ont eu leur paroies latérales enfoncées par le choc des vagues ; d’autres par leur cargaison intérieure mal amarrée ; un container en calle (le cargo est chargé de 7 niveaux de containers en calle et 5 niveaux en surface) s’est trouvé déchiré par son contenu mal attaché. Mais, en vue de l’intensité et la durée de la mésaventure, qu’aucun container ne se soient décroché pour tomber à l’eau est un véritable exploit.
Aujourd’hui rien à signaler. Il fait nuit à 15h30 et nuit noire à 16h! Nous approchons du golfe du Saint-Laurent.
J’ai pu donner des nouvelles à mes parents grâce à la liaison satellite du bateau. Cela devait être étrange pour eux de m’imaginer en plein milieur de l’océan.
Je commence à saturer quant à la cuisine indienne. C’est bon, mais je commence à faire blocage à l’odeur et à l’aspect du curry. Heureusement qu’il y a du potage le soir et qu’on a le choix d’ajouter ou non la sauce.

Mardi 4 décembre 2001
Premier coup d’œil dès le réveil par le hublot pour constater la brume tout autour du bateau. Avant le petit déjeuné de 7h30, je monte sur la passerelle. Brume et même chutes de neige sont au rendez-vous. Aucune chance de voir Terre-Neuve que l’on passe par le nord. Le bateau vogue a vitesse maximum pour essayer de rattraper un peu les 8h de retard dues à la tempête d’avant-hier.
Une fois le petit déjeuné terminé, tout à coup, le soleil. À tribord (droite) je commence à entre-apercevoir des falaises blanches de-ci de-là. Ce sont les îles puis la côte du nord-est du Québec ! C’est alors que j’assiste à un phénomène dotn je n’avais jamais été témoin : des falaises que l’on n’apercevait pas quelques instants auparavant apparaissent puis disparaissent ensuite à mesure que l’on avance. C’est en fait dû à la curvature de la terre qui ne permet de distinguer les choses que jusqu’à une certaine distance avant qu’elles ne se trouvent sous le niveau de l’horizon. Et oui le golfe du Saint-Laurent est si large que ça ! J’ai du mal à détacher les yeux de ses falaises couverte de neige. Il paraît que quelques francophones vivent là, perdus au milieu de l’immensité blanche.
Le capitaine accepte que nous fassions le tour du navire à nouveau mais désigne le cadet (futur 3eme officier) pour nous accompagner. Il ne tient pas lui-même à sortir : avec le facteur vent, il fait –35 degrés dehors (-8 sur les termomettres.) Le temps est splendide, mais la nuit tombe encore une fois très vite, 15h30, et toujours pas de terre en vue à babord. Demain matin, dès 8h, c’est l’entrée dans le Saint-Laurent, on devrait pouvoir apercevoir les deux rives cette fois et un pilote canadien viendra à bord puisque seuls certains officiers canadiens d’ici sont abilités à diriger les bateaux sur le Saint-Laurent.
Mes impressions sur cette traversée pour l’heure : FABULEUSE ! À ne pas rater. C’est tellement incroyable et rare de pouvoir traverser ainsi l’Atlantique. Seul Andrew, le militaire Canadien, s’ennuie et à hate d’arriver. Danier et moi, c’est plutôt le contraire. Même si j’avai hâte de revoir enfin Montréal, j’apprécie tellement cette transition maritime hors du temps que j’aimerai faire le tour du monde comme ça. Vivement demain que je vois le Saint-Laurent. J’espère qu’il fera très beau. Nous devrions malheureusement arriver à Montréal de nuit et nous ne devrions pas non plus voir Québec de jour. Tant pis on doit sans doute pouvoir remonter le Saint-Laurent depuis Montréal d’une autre manière.

Mercredi 5 décembre 2001
16h50
Il n’est que 16h50 mais il semble que plusieurs jours se sont passés depuis que je me suis levée ce matin tellement les paysages admirés étaient beaux et grandioses aujourd’hui.
Lévée à 6h30 pour avoir le temps de me préparer et de monter sur la passerelle avant le petit déjeuné et l’arrivée du premier pilote. Quel instinct ! Au premier abord rien à signaler à part l’immensité du majestueux Saint-Laurent devant nous. Seul une des rives nous est vraiment visible. Le temps est magnifique. On espère entrevoir un peu de faune mais sans grande conviction pour l’instant à part nos quelques dauphins de l’autre jour, on n’a rien vu du tout. Et puis tout à coup, un dauphin comme l’autre jour…. mais non 5 ou 6 en fait…. et puis d’autres groupes semblables encore à plusieurs endroit remontant le Saint-Laurent vers l’océan. De chaque côté du navire en fait des centaines de dauphins apparaissent et disparaissent. Seul Daniel et moi semblons intéressés par la chose, personne d’autre n’y fait attention. Le capitaine dit même que c’est impossible et plus tard le pilote nous dit la même chose, que ce devait en fait être des phoques. Des phoques ! Avec une dorsale sur le dos et noir et blanc ?! On en a même vu un sauter et on a donc pu voir tout son corps. Personne ne nous croit mais nous on les a vu. J’ai même refuser de descendre petit-déjeuner pour ça. Mais ils nagent si vite dans un sens et nous on vogue si vite dans l’autre qu’on a peine à garder leur trace. Avec tout ça, tellement occupée à rechercher d’autres groupes avec les jumelles que je n’ai même pas tenté d’en prendre en photo. Comme je n’ai pas de zoom ça n’aurait pas donné grand chose. Le Saint-Laurent se resserre doucement et au niveau du fjord de Saguenay le capitaine nous montre un petit rond blanc qui apparaît plusieurs fois à la surface de l’eau, une baleine beluga.. C’est tout ce qu’on en verra….Le soleil tape sur les falaises et les rives enneigées du Québec nord à tribord. C’est tellement grand ! On est pourtant encore à 5h de Québec. Le pilote qui est monté à bord pour naviguer le cargo sur le Saint-Laurent est très sympatique et surpris de trouver des francophones à bord. Le brouillard se lève tout à coup et bientôt la visibilité est nulle. Il est temps d’aller déjeuner alors. À 15h30, à Québec, deux autres pilotes remplasseront celui-ci. En attendant on ne peut plus rien distingué mais le capitaine dit que le brouillard va se lever, preuve en est le mince liseret de lumière chaude droit devant. C’est vrai, le soleil réapparait enfin pour nous laisser admirer les rives et les îles : l’île rouge, l’île d’Orléans, etc. Il y a de plus en plus de villages le long du fleuve. Le temps se couvre à nouveau. Ah non ! Il faut quand même qu’on puisse voir Québec !
Enfin j’apperçois de loin le toit vert de Frontenac entre quelques tours. L’approche semble lente. On apperçoit sur la droite la chute de Montmorency et puis ça y est Québec est devant nous avec Frontenac tout éclairé car la nuit commence déjà à tomber. C’est superbe de redécouvrir Québec ainsi, depuis le Saint-Laurent, 5 ans après ma première visite. On prend à bord les deux nouveaux pilotes qui vont nous emmener plus loing pendant 7 heures. L’arrivée à Montréal se fera de nuit, aux alentours de 6h du matin. On ne peut pas tout avoir. Tant pis. Le reste valait la peine d’être vu. J’aurai bien le temps de découvrir Montréal autrement.
La fin du voyage se précise. Le pincement au cœur aussi. C’était quelque chose cette aventure magnifique. Cela va être bizarre de se retrouver tout à coup au sein de la vie urbaine. Les responsables des douanes vont sans doute venir à bord aux alentours de 8h. Ii faudra alors que je contact Pascal et le studio réservé pour le mois. Je suis comme inquiète d’arrivée. L’inquiétude qu’on ressent avant la rentrée des classes lorsque l’on est enfant. C’est excitant mais aussi impressionnant. Et il va y avoir tant de choses à faire…. Enfin, j’aurai la liberté de faire tout ceci à mon rhythme en fait. Il suffit de s’organiser pour ne rien oublier.

FrenchPeg

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Écrit par
FrenchPeg

Cette Française originaire du Mans est arrivée au Québec en bateau en 2001. Elle a participé activement aux blogs du forum au début des années 2000. Peggy a toujours continué de travailler en traduction au Québec. Elle a pris racine à Montréal et a fait un bilan en 2017 de son immigration dans la Belle Province. https://www.immigrer.com/equipe-chroniqueurs-frenchpeg/

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