La première fois que je suis passé par Montréal, même pas trois jours, je n’ai rien eu le temps de remarquer. La seconde fois non plus d’ailleurs.
C’est seulement quand j’ai commencé à y vivre que cette inquiétante réalité locale m’est apparue.
Qu’est ce que c’est que ces trous dans la route ? C’est quoi ce béton éclaté ? Il est solide ce pont ?
Je viens du Nord de la France, plus précisément de son bassin minier, région post-industrielle par excellence ou prendre le train c’est traverser l’ex-URSS.
Pourtant à Montréal certaines infrastructures routières sont endommagées au point de me choquer.
Quand je fais part de ce désagrément à mon entourage français, j’ai invariablement la même remarque: « mais c’est normal, avec toute la neige que vous avez ! ». Je me dit que d’une part ils s’imaginent sûrement qu’il neige des montagnes et que d’autre part ils ne visualisent pas bien ce qu’est un nid de poule au sens Montréalais du terme. Ce n’est pas ce petit tressautement joyeux distinctif du monde rural, c’est un cratère sournois formé au plus noir de la nuit, prêt à détruire toute suspension matinale qui aura le malheur de s’y aventurer.
Et soit dit en passant ce n’est pas la neige en elle même le problème mais plutôt les cycles gel/dégel, le poids des camions et l’abus de sels déglaçants.
Un autre cas: le métro. Très efficace c’est vrai, mais un vrai voyage dans le temps.
Prenez les lignes verte ou jaune et vous revoilà dans les années 1960. 51 ans que les rames circulent, ça c’est de la rentabilité !
Bon, je suis mauvaise langue parce qu’elles sont en train d’être remplacées par un nouveau modèle et qu’il y a pire, quand on sait que des lignes du métro de New York utilisent encore une signalisation des années 1930.
En Europe, vieux continent, on est tellement “flippé » de pas être moderne que tout doit changer très vite.
En Amérique tant que quelque chose marche, pas de raison de le changer.
C’est valable pour les transports, c’est valable aussi pour votre électroménager (encore des serpentins sur les tables de cuisson?) et pour certaines façons de travailler (si j’en crois les témoignages du forum).
D’un autre côté, quand ça marche plus on y va pas par quatre chemins, on détruit tout et on refait à neuf.
Ce qui m’amène à mon point car justement « refaire à neuf » c’est ce qui se passe en ce moment.
Oui Montréal est une vieille ville, riche d’un passé industriel…passé.
Oui, comme toute les grandes villes, elle est un chantier permanent. Quand c’est finit d’un côté ça recommence de l’autre.
Oui elle a du retard, accumulé depuis les coupes budgétaires des années 1990, à rattraper.
Oui certaines infrastructures sont détériorées au point de fair peur.
Mais encore quelques années de patiente et, comme dirait le maire Coderre, « ça va être écœurant!”.
Imaginons la situation suivante : vous avez visité Montréal en 2015, vous venez y vivre vers 2020.
Revenant d’une fin de semaine en Estrie ou aux États-Unis, vous arriverez par la Rive-Sud et donc prendrez le nouveau pont Champlain. Passé ses haubans et son immense pylône, un léger virage vers la gauche et se dévoilera devant vous une vue splendide sur le centre-ville à la tombée du jour. À votre-droite, des cyclistes, à votre gauche, une rame du train automatique ultramoderne REM, partageront avec vous, automobilistes, la traversée du Saint-Laurent. Passé le pont, vous pourriez continuer par le nouvel échangeur Turcot mais vous prendrez directement la direction centre-ville. L’autoroute s’achevant, une énorme statue vous y accueillera. Longeant un nouveau parc urbain vous admirerez la douzaine de nouveaux grattes ciels qui ont poussés en votre absence autour du Centre Bell. Et puis vous vous dirigerez vers votre chez-vous. Ce sera un loft sur le plateau et ses rues piétonnes, ou peut être une tour dans les quartiers rajeunis (pour ne pas dire gentrifié) de Griffintown ou des Spectacles d’où peut être vous apercevrez les jeux de lumière du pont Jacques Cartier ou la grande roue du Vieux-Port.
Pensez-y la prochaine fois que vous croiserez ces maudits cônes oranges, ils sont la preuve que Montréal se développe, change et se réinvente, plus ces dernières années que depuis bien longtemps. Ils sont le prix à payer pour ne plus s’effrayer de passer sur ou sous les ponts.
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