Ok, trois ans. Pi? - Immigrer.com
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Ok, trois ans. Pi?

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Ma chronique précédente était un bilan de nos trois premières années passées en tant qu’immigrant au Québec. Et si je parlais de l’année à venir? Des trois prochaines? Des cinq prochaines? Des… dix prochaines? Est-ce que je peux affirmer avec certitude que je serai encore au Québec dans trois, cinq ou dix ans? Je vais tenter d’y répondre, par l’image, dans cette dernière chronique.

Commençons par l’année qui vient. C’est d’abord, très probablement, l’année où nous allons nous demander notre citoyenneté canadienne. Eh oui, ce serait dommage d’avoir passé ces années au Québec "pour rien", sans demander notre citoyenneté. Si pour une raison X nous devions rentrer en France, au moins nous n’aurions pas à refaire les démarches d’immigration si au bout de quelques années nous souhaitions revenir. Mais de toute façon, ce n’est pas le plus important : personnellement, il me tarde de pouvoir prendre ma part de responsabilité dans mon pays d’adoption : pouvoir voter aux élections, me sentir appartenir pleinement à la société canadienne, me débarasser de mon statut d’immigrant "permanent" qui, justement, pourrait ne plus l’être du tout par la même occasion. Bref, ça en fait du chemin à parcourir, après tous ces litres d’essence déjà consumés depuis notre arrivée. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin !

Élargissons maintenant notre champ de vision. Essayons d’y parvenir doucement. Fermez les yeux. Gardez-en juste un ouvert pour continuer à lire disons. Vous voici au Québec depuis plus de trois ans, après avoir traversé autant d’épreuves heureuses que difficiles pour en arriver là ou vous en êtes. Les lumières s’éteignent, le son mono fait place au son stéréo dolby surround tout en s’amplifiant, les bavardages du public cessent : le film commence. Vous revenez ce soir de la projection en avant première (au Québec, on s’entend) de "Ensemble, c’est tout". Très bon film par ailleurs. Un film français donc, que vous avez été voir au cinéma Quartier Latin, dans une salle remplie à craquer… de Français, pour la plupart. Voir un film français à Montréal, c’est croire pendant deux heures que l’on se trouve en France, ou plutôt oublier, le temps d’un film, que l’on a immigré au Québec, et qu’on se trouve dans une salle de cinéma à Montréal. Toutes les conditions sont réunies pour participer à cette terrible machination : film français, public composé de Français essentiellement, rires synchronisés de toute la salle sur des références culturelles ou des répliques typiquement françaises, on s’y croirait. Rien à faire, vous vous dites que c’est plaisant de retrouver instantanément les anciens repères que l’on a mis de côté pour s’en créér d’autres en arrivant. Revoir Paris, son métro, ses rues, réentendre certains sons caractéristiques de Paris ou de la France, tout cela vous fait forcément voyager dans l’espace-temps… Le temps d’un film, une certaine nostalgie de votre vie d’avant pourrait fort bien vous envahir. En ce qui me concerne, c’est presque systématique. L’intensité de ce sentiment de nostalgie dépend cependant de la qualité du film et de ses prises de vues qui parfois me titillent particulièrement. Allez, c’est la fin du générique de fin, il est temps de sortir de la salle. Eh oui, vous êtes au Quartier Latin, à Montréal ! Ça fait drôle hein ? Je sais ce que c’est ! Si vous êtes atteint des mêmes symptômes que moi, vous ressentirez ça vous aussi, à votre façon. Peut-être en êtes-vous déjà victime? Bah, pas grave. Dans les trois prochaines minutes, vous savez déjà que tout ça sera oublié. Vous serez même contents d’avoir fait en quelques secondes le voyage en sens inverse, et de profiter de l’été à Montréal !

Essayons de voir encore plus large, avec encore plus de profondeur; entrons maintenant dans l’affectif. Votre famille, vos amis, ceux que, comme moi et comme tous les immigrants, vous avez laissé dans votre pays d’origine. Certains le vivent bien, d’autres le vivent moins bien voir très mal, pour x raisons qui sont propres à chacun d’entres nous. Pour ma part, je vis l’éloignement familial et affectif relativement bien, mais je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il se pourrait bien qu’un jour, je ne le vive plus très bien. Je touche du bois. Pourquoi éloigner cette idée, la nier même, alors que nous y sommes tous confrontés? Et si encore il n’y avait que ce fantôme pour parfois venir nous hanter et installer le doute en nous ! Parlons-en, exorcisons ces questions existentielles, si vous le voulez bien !

Je vis donc plutôt bien l’éloignement famillial, mais certaines situations installent forcément le doute, ou remettent en question ce choix que l’on a fait de vivre à l’étranger.

Je pense bien évidemment au décès de ma grand-mère, il y a déjà bientôt un an. Perdre un proche n’est déjà pas chose facile, perdre un proche quand on se trouve à 6000 kilomètres de sa famille n’est pas là pour arranger les choses. J’avais eu la chance de pouvoir
me rendre à son enterrement, mais aurais-je à nouveau cette possibilité quand la Faucheuse s’attaquera au "prochain" sur la liste? Oui, comme vous, ce mot, "prochain" me fait froid dans le dos… Aurais-je la force de surmonter un deuxième décès dans ma famille? A vrai dire, je n’en sais rien. On pense toujours que oui, parce que tout ceci fait partie de notre choix de vie, qu’on en avait conscience avant de partir.. que nenni.

Les amis maintenant. Ou plus exactement, ceux qui sont encore là après l’écrémage qui suit le départ. Est-ce qu’ils s’accrochent désespérément dans l’espoir de nous voir revenir un jour ? Est-ce qu’ils savent
ce que nous vivons au quotidien? Est-ce qu’ils nous comprendrons encore dans 5 ans, dans 10 ans, enfin, est-ce qu’ils resteront ? Est-ce qu’ils pourraient nous en vouloir de développer d’autres amitiés dans notre pays d’adoption? Bien malin celui qui pourrait répondre avec certitude à toutes ces questions. Tenez, assez récemment, je me suis cyber engueulé avec mon meilleur ami resté en France, pour une histoire stupide de débat sur le port du hidjab, et l’utilisation du mot "soccer" ici au Québec pour désigner le football que l’on connait en Europe. Nous avons du continuer le débat par courriel pour éviter le pugilat public et parce que de toute façon, nos commentaires étaient entrés dans la sphère privée. J’en ai profité pour lui rappeler à quel point je souhaitais qu’il vienne me voir, histoire qu’il puisse se faire une idée de ce que nous vivons ici. Mais j’ai été obligé aussi de lui dire que, malheureusement, même s’il restait plusieurs semaines, il n’aurait finalement jamais une idée précise de ce en quoi est faite notre vie ici. Il n’aurait rien à se le reprocher pour autant. Ceci est le lot de chaque immigrant : gérer les décalages qui parfois s’installent, et jongler avec. Si seulement il n’y avait que le décalage horaire, hein ça… Nous avons du nous appeler par téléphone, un soir de semaine, pour en découdre, mettre les points sur certains i, et en finir avec cet épisode qui est aujourd’hui de l’histoire ancienne. Une fois de plus, tout ceci fait réfléchir.

Et enfin, finissons brièvement par la vue à long, voire à très long terme. Attention, ça fesse. On y va. Suis-je prêt à avoir des enfants au Québec? Est-ce qu’un jour, le principe de "Maman Webcam" fera partie du quotidien de ma propre mère, et celui d’"enfants webcam" pourra être le quotidien de mes propres enfants? Suis-je prêt, suis d’accord avec l’idée que mes enfants auront l’accent québécois, et seront bien plus québécois que je ne pourrais l’être moi-même? Suis-je d’accord avec l’idée que la France ne représentera que "le pays de naissance des parents", du point de vue de mes futurs enfants? Est-ce que nous serons encore au Québec dans 10 ans? Dans 20 ans? Je ne saurai le dire, ni prendre le risque d’y répondre aujourd’hui. Et, non chérie, les enfants peuvent encore attendre un p’tit boute !

Bref, cette anecdote au cinéma, et les considérations suivantes un peu plus profondes, ne sont donc pas complètement pas anodines. Heureusement, ces idées nous traversent l’esprit rapidement et de façon éphémère. De plus, c’est vrai que dans le cadre d’une chronique comme celle-ci, j’y met un peu plus de relief, voire de lourdeur… ne vous y méprenez pas ! J’espère d’ailleurs n’avoir remis en cause aucun projet d’immigration d’un lecteur qui aurait lu ces lignes, ce n’était pas le but, mais alors pas du tout !

Pour finir, car toutes les bonnes choses ont une fin, cette chronique met un terme à ma carrière de chroniqueur chez Immigrer.com. Oh je ne dis pas que je n’en enverrai pas de temps en temps à Laurence, à titre de chroniques "ponctuelles", pourquoi pas. Et puis, quitter comme ça la communauté, la grande famille Immigrer.com qui m’a tant apporté et à qui j’ai essayé de donner en retour grâce à mes chroniques, est quelque chose que je ne suis pas prêt à faire !

Cette chronique parlait entre autre d’avenir… eh bien justement, il est temps que je cède ma place à une jeune recrue, fraichement débarquée, qui aura tant à raconter ! Je dois dire que ces deux dernières années m’ont beaucoup inspiré. Certains des sujets que j’ai abordé ont provoqué de vifs débats sur le forum, alors d’autres sont passés presque inaperçus. Qu’importe, j’ai fait mon temps. Ce que j’ai à dire s’oriente beaucoup moins qu’avant vers le lectorat d’Immigrer.com, et cela s’est ressenti dans mes trois ou quatre dernières chroniques. J’avais moi même plus de difficultés à trouver un sujet digne de faire l’objet d’une chronique d’une part, et d’autre part qui puisse réellement intéresser. Je pars donc, mais je garde un pied et un oeil sur vous ! Bonne chance à ma ou mon successeur(e) !

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Écrit par
Tof

Qui suis-je? Moi c’est Christophe, je suis originaire du Nord de la France où j’ai passé mes 24 premières années avant de poser mes valises à Montréal le 16 Mai 2004. J’ai travaillé en tant qu’informaticien et webmaster pour plusieurs entreprises de Montréal. Pourquoi avoir choisi d’immigrer? Parce que. Besoin de changer d’air, d’ouvrir mes horizons, de voir comment ça se passe ailleurs dans le monde et ce que ça peut m’apporter personnellement. Pourquoi le Québec ? Parce que parce que c’est l’Amérique en français (et non l’Amérique à la Française), parce que c’est vrai que c’est plus « facile » entre guillemets, parce que je voulais savoir ce que ça faisait -30 degrés sous zéro, parce que je pensais que tout le monde parlait français et quelques-uns anglais, parce que (à suivre – liste non-exhaustive)

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