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mercredi , 30 octobre 2024
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Pourquoi faut-il préserver le Programme de l’expérience québécoise ?

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Ces dernières semaines, maints blogueurs ont commenté les mesures prises par le gouvernement en matière d’immigration. Nombreux sont ceux et celles qui ont été interloqués par la politique cavalière des dirigeants s’identifiant comme nationalistes (les « caquistes ») mais qui ont cautionné une mesure allant à l’encontre du fait français dans la Belle Province. En effet, l’annonce de la fin du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) mis en place par le libéral et fédéraliste Jean Charest en 2010 était incompréhensible, programme rappelons-le qui facilite l’obtention de la résidence permanente aux étrangers ayant, entre autres, suivi une formation universitaire au Québec. Plusieurs internautes sur les réseaux sociaux se sont posé des questions pour le moins légitimes : « pourquoi veut-on refuser une immigration éduquée et francophone ? » « Ne désire-t-on plus d’intellectuels ? » ou « s’agit-il d’une politique ‘trumpiste’, consistant à défaire tout ce qu’ont fait les Libéraux – aujourd’hui dans l’opposition ? »

En tant que Français, j’ai eu la chance de suivre mes études à l’Université de Montréal de 1989 à 1992 en histoire et sciences politiques et de bénéficier des nouveaux accords signés entre la province du Québec et la France, m’exemptant des frais différentiels et me donnant la couverture médicale québécoise. L’expérience en tant qu’étudiant du premier cycle universitaire fut extraordinaire, car elle m’a permis de m’épanouir dans une société ouverte, positive, optimiste et non conflictuelle. La force du Québec n’est ni son climat, ni ses grands espaces vides, mais sa société guidée par la méritocratie, par la mobilité sociale et par le dialogue où l’épanouissement et la valorisation de la personne jouent un rôle central.

Pendant ces trois années, j’ai été formé intellectuellement à la pensée nord-américaine avec une touche culturelle française. J’ai développé de fortes amitiés qui perdurent encore aujourd’hui. Je me suis si bien intégré à ce milieu québécois que j’ai cherché par de nombreux moyens à obtenir ma résidence permanente ; mon visa d’étudiant ne me permettant pas à l’époque de travailler ni même de prolonger mon séjour à la fin de mes études du premier cycle universitaire. Avec plusieurs camarades québécois, nous avons envisagé les différentes possibilités qu’il me restait en tant qu’étudiant français au Québec et avons mené une enquête pour le journal de l’Université de Montréal, le Continuum, auprès des ministères provinciaux et fédéraux et des principaux partis politiques du Québec.

La force du Québec n’est ni son climat, ni ses grands espaces vides, mais sa société guidée par la méritocratie, par la mobilité sociale et par le dialogue où l’épanouissement et la valorisation de la personne jouent un rôle central.

Finalement, mes options étaient soit de retourner en France faire une demande de résidence auprès des autorités québécoises et canadiennes à Paris où l’adaptabilité n’était pas encore un critère de sélection, soit de prolonger mes études, voire de me marier. La déception de ne pas pouvoir travailler à court terme à Montréal était grande ! J’ai finalement entrepris une maîtrise et ai envisagé de faire un doctorat au Québec en faisant un emprunt bancaire en France jusqu’au jour où un professeur d’une université prestigieuse anglaise m’a proposé de faire une recherche de troisième cycle à temps partiel. Je retins cette solution car elle permettait de ne pas trop m’endetter en travaillant légalement en Grande-Bretagne. De plus, j’obtins une bourse auprès de l’université britannique.

Si j’avais bénéficié du Programme d’expérience québécoise, je serais certainement resté au Québec et n’aurais pas vécu une telle expérience frustrante et décourageante au niveau des équivalences de diplômes.

Ce séjour de six ans en Angleterre fut un véritable coup dur pour mes liens avec le Québec. Même si je pouvais revenir au Canada légalement en tant que résident permanent en 2000, les six années d’absence ont délié certaines attaches. Néanmoins, j’ai réussi un concours national et décroché un poste dédié à la francisation des immigrants. Cependant, l’événement qui plomba mon retour au Québec fut la difficulté d’obtenir une juste équivalence de mon diplôme britannique. Après plusieurs démarches laborieuses, mon employeur ne pouvait reconnaître l’équivalence (qui je l’appris à mes dépens n’avait rien d’effectif) sous le prétexte que la convention collective signée avec le syndicat et mon employeur se fondait sur le programme de l’Université de Laval, ce qui m’empêcha de recevoir une augmentation substantielle de mon taux horaire salarial. Un désamour pour la bureaucratie québécoise naquit, même si j’étais conscient que la française était nettement plus lourde et épuisante.

Un haut responsable administratif à Québec me conseilla de postuler auprès des cégeps ou des universités où mon diplôme anglais serait reconnu à sa juste valeur. Finalement, ce fut une université londonienne qui me proposa un poste. La vie londonienne, ma foi, peut se révéler aussi stimulante que la montréalaise.

Si j’avais bénéficié du Programme d’expérience québécoise, je serais certainement resté au Québec et n’aurais pas vécu une telle expérience frustrante et décourageante au niveau des équivalences de diplômes. Je n’aurais pas vécu non plus cette longue coupure avec la société québécoise dans laquelle je m’étais épanoui. Je n’aurais pas perdu certains contacts. Le temps amoindrit les sentiments. On ne fait pas l’histoire avec des « si » mais je vous assure que si je n’avais pas eu les barrières administratives à la fin de mes études au Canada, je serais probablement toujours au Québec et n’aurais pas connu Londres.

Les dirigeants québécois doivent être réalistes. La concurrence est rude pour les emplois dits « économiques ». Même la Grande-Bretagne et la France parlent d’adopter une telle politique ; n’oublions pas qu’en France les études universitaires sont gratuites, même pour les étrangers. Les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, sociétés similaires à bien des égards au Québec, offrent de nombreuses opportunités aux jeunes Européens et leur climat est beaucoup plus clément que le canadien.

Un immigrant diplômé au Québec est un atout pour la pérennité de la francophonie en Amérique du Nord, pour le dynamisme intellectuel et culturel de la province et pour l’économie du pays. Enfin, il restera loyal envers la société qui lui a ouvert de nombreuses portes.

On ne peut que saluer le revirement du Premier Ministre avec la confirmation du maintien du PEQ.  Ce retournement nous réjouit tous.

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Écrit par
Pierre Scordia

Ce Français d'origine bretonne a étudié l'histoire et la science politique entre 1988 et 1993 à l'Université de Montréal. Après avoir enseigné 12 ans à l’University College London (UCL), et fait un retour au Québec, au début des années 2000, il s’est installé en Martinique en 2019.

%s commentaire

  • Moi je crois que ces genres de décisions mettent en cause le caractère inclusif de la société québécoise. Si les autorités veulent sauvegarder l’inclusion dans la société québécoise, il va falloir qu’on fasse attention à ces stéréotypes.

  • Centre Éducatif

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