Premier retour… L’avion entame lentement… - Immigrer.com
mercredi , 30 octobre 2024
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Premier retour… L’avion entame lentement…

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Premier retour….

L’avion entame lentement sa descente sur Paris. J’ai le nez collé au hublot. Je craignais la grisaille de l’hiver parisien, voir la traditionnelle pluie glacée. Et bien non, il a l’air de faire beau ! Lorsque les roues se posent sur le tarmac de l’aéroport Charles de Gaulle, je ressens une pointe d’excitation.
Première déconvenue : une alerte à la bombe dans l’aérogare. Il faut patienter dans le sas, le temps que les chiens fassent leur boulot de démineur. Les français de retour de leur périple en motoneige dans le grand nord québécois s’impatientent. Moi, je m’assieds tranquillement, une revue à la main, le temps que toute cette affaire prenne fin. Après deux mois au Québec, aurais-je déjà appris à être plus patiente ?
Finalement, je récupère ma grosse valise, à moitié vide, que je compte remplir à bloc lors de mon retour au Québec. Affublée de ma grosse doudoune d’hiver, je slalome comme je peux entre les gens pressés pour me diriger vers le train de banlieue qui m’entraînera dans le ventre de Paris. Je veux acheter un ticket… Deuxième déconvenue : impossible de me souvenir de mon code de carte bleue ! Heureusement, j’avais gardé un peu d’argent liquide sur moi. Alors avis aux étourdis…. N’oubliez pas de noter précieusement votre code quelque part si vous ne comptez pas vous servir de votre carte française pendant un certain temps !
Assise dans le train, je regarde curieusement autour de moi. Des minettes le ventre à l’air papotent avec entrain. Un clochard dort sur une banquette. Un mec est en train de fumer, malgré l’interdiction. Dehors, tout me semble gris et moche. Il faut dire qu’on ne traverse pas les banlieues les plus chics. Un truc me dérange, mais je n’arrive pas à savoir quoi. Ce paysage me semble familier, et pourtant, il manque quelque chose. Au bout d’un moment, j’ai un flash : Il n’y a pas de neige ! C’est ça qui me fait drôle ! C’est vert ! Je n’arrive pas à me réhabituer aux couleurs. Je repense au résident permanent que j’ai rencontré dans l’avion, et qui retourne pour la première fois en Algérie après 4 ans passés au Québec. Tu parles du choc que ça doit être !

En une heure, je retrouve mon Paris traditionnel : RER B, changement à Châtelet, RER A, changement à Charles de Gaulles, métro ligne 6. Je suis bien moins larguée que lorsque je suis revenue de mon pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle….
Je dois retrouver mon copain à la Direction des Chantiers Navals où il travaille actuellement en tant que consultant. Je suis en retard. Sous le regard interloqué de quelques parisiens en costume-cravate, je rentre par la porte principale, traînant ma valoche, ma doudoune, et mon début d’accent québécois. C’est luxueux. Ceux qui ont construit le porte-avion Charles de Gaulle tiennent à leur image de marque (en passant, vous aurez remarqué l’originalité des français lorsqu’ils choisissent le nom d’un aéroport, d’une station de métro, ou d’un bateau). Je me dirige vers le comptoir d’accueil, tout aussi intimidant. Les caméras de surveillance me suivent à la trace. Je les sens à deux doigts de donner l’alerte générale, pour intrusion fortuite d’objet bizarre non identifié.
– Bonjour madame, est-ce que je pourrais emprunter votre téléphone s’il vous plait pour appeler mon copain ? Je devais le retrouver chez vous.
– Heu…. oui ? (Regard surpris, un peu effrayé, lèvres pincées). C’est qui votre copain au juste ?
Finalement, je retrouve Sébastien, qui n’en revient pas. Il est mort de rire.
– T’as pas fait CA ! Rentrer chez DCN et demander à téléphoner ? Avec ta doudoune et ta valise ?
– Ben…. oui….
– T’es folle….
Je récupère ensuite la voiture de Sébastien, je me cogne violemment la tête en montant dans sa petite Renault Twingo (choc culturel), et je me dirige prudemment vers le sacro-saint périphérique….
Une heure plus tard, je retrouve avec soulagement ma campagne picarde, la maison de mon enfance, ma mère, mon frère et le chien familial….

Pendant 15 jours, j’ai navigué entre Paris et ma province, entre la famille et les amis, entre les restaurants et repas familiaux à la maison. C’est la course, mais c’est chouette. Mes photos épatent tout le monde. On m’envie, on me questionne, on regrette que je n’aie pas plus pris l’accent québécois finalement….

Ceux et celles qui attendaient avec impatience une liste exhaustive des chocs culturels en seront pour leurs frais. J’ai une mauvaise nouvelle : Je n’en ai ressenti aucun. Je suppose que je ne suis pas restée assez longtemps au Québec pour me sentir vraiment en décalage avec mon pays d’origine. J’ai très vite repris le pli de ma vie d’avant, j’ai renoué malgré moi avec le rythme trépidant de la vie parisienne et j’ai recommencé à gueuler comme une idiote dans ma voiture lorsque je n’arrivais pas à trouver une place de parking devant chez SURCOUF avenue Daumesnil. Une des seules choses qui m’a surprise a été de redécouvrir la pluie. C’est vrai qu’à Mont-Laurier, depuis deux mois, il ne pleut pas…. Il neige ! J’ai redécouvert aussi le froid humide et transperçant de l’hiver parisien, celui qui vous glace jusqu’à la mœlle alors que le thermomètre descend difficilement à 0°….

J’ai quand même une petite anecdote rigolote pour ceux qui veulent envoyer des cantines en fer (ou des cartons) via le fret aérien. Quelques jours avant mon retour au Québec, j’ai préparé à la hâte une cantine en fer de 52 kg que je voulais, donc, envoyer par fret aérien. Après quelques recherches effectuées sur Internet, j’ai sélectionné un ou deux transitaires qui m’ont confirmé leurs conditions par téléphone. J’en ai finalement choisi un qui s’appelait « Bagages sans frontière », qui se trouvait à l’aéroport d’Orly, et qui me promettait un tarif de 187 € avec un départ de ma cantine le même jour que moi.
Le lendemain, je me suis donc présentée à l’entrepôt général de la zone de fret et j’ai déposé ma cantine. Je me suis dirigée ensuite vers le local de « Bagages sans frontière ». Et là, surprise ! Changement de programme, ma cantine ne pouvait pas arriver avant le mois de MAI ! Ou alors, il fallait que je paye 330 € ! Je me suis fâchée, je les ai traité de voleurs, je leur ai balancé leurs papiers à la figure, et je suis repartie au bord de la crise de nerf. C’est que le planning était déjà particulièrement serré, voyez-vous, et que l’autre prestataire que j’avais sélectionné se trouvait à l’aéroport Charles de Gaulle, soit à environ 60 km d’Orly ! Je suis retournée chercher ma cantine à l’entrepôt, et verte de rage, j’ai appris qu’il me fallait payer des frais de manutention ! J’étais tellement énervée que la p’tite dame de l’entrepôt, après avoir eu vent de mon histoire, m’a prise en pitié. Elle m’a cherché un autre transitaire (ils se connaissent tous, c’est effrayant) et m’a déniché le Saint Bernard du fret aérien : Business By Air. Outré que l’un de leurs collègues ait pu me jouer un aussi vilain tour, le gentil monsieur de Business By Air a proposé de prendre ma cantine pour 187 € et de se faire payer la différence par « Bagages sans frontière ». De plus, il m’a promis un affrètement par Air Canada, pour le jour suivant mon arrivée au Québec. C’était presque trop beau.
En tout cas, ça m’a tout l’air d’être une vraie mafia là-dedans, et par chance, j’ai du tomber sur le parrain…. Reste à savoir si ma cantine arrivera bien à destination !

Veille du départ (ou du retour ? Je ne sais pas encore bien quel terme employer). Mon état d’esprit est étrange. On me demande quand je vais revenir. C’est fou la vitesse à laquelle le monde peut assimiler le fait que, tout compte fait, le voyage Amérique du Nord – Europe peut se faire facilement. Mais je sais que cette fois, je ne vais pas revenir de sitôt. Et je me sens partagée, déchirée. Le Québec me manque. Mon chalet et mon lac me manquent aussi, mes amis de là-bas me manquent, la neige me manque, bref, vous l’aurez compris, tout me manque et j’ai hâte de continuer l’aventure. D’un autre côté, je me sens bien avec ma famille, et je continue de me sentir bien avec Sébastien… Et puis mon frère ne va pas bien fort en ce moment, il a quelques problèmes en tous genres, et il était bien content que je l’aide un peu pendant mon séjour…. Et une grande sœur, ça sert à quoi sinon à aider son p’tit frère hein ? Une fois rendue au Québec, comment continuer à tenir ce rôle ? Et puis les grands-parents paternels sont plus tous jeunes, le chien familial encore moins. On se dit que peut-être…. Enfin bref. On veut pas y penser.
Mais tout cela me direz-vous, tu le savais avant de partir ! Et oui. Et j’ai assumé. Mais c’est quelque chose qui vous resaute à la figure à chaque voyage. C’est pas forcément grave, ça remet pas forcément en cause le projet d’immigration, mais il faut le savoir et s’y attendre.
Alors voilà. Je ne surprendrai personne en vous racontant ce perpétuel état d’âme de l’immigrant, le cul entre deux chaises, entre deux vies, entre deux mondes, entre deux gangs d’amis…. J’envie presque ceux qui sont partis parce qu’ils détestaient la France, ou parce qu’ils ne s’accordaient pas avec leur famille. Et puis non, je dis des bêtises, je m’égare, mais c’est vrai que c’est compliqué tout ça.
Alors les adieux sont encore difficiles. Seb lâche une larme, ma mère se retient comme elle peut. Moi, je chiale à moitié. Je remonte dans l’avion et puis d’un seul coup, ça va mieux. Je souris. Je rentre chez moi, dans mon nouveau pays ! Quelle contradiction dans les sentiments !

La cantine est bien arrivée, comme prévu. Un peu défoncée, mais rien de cassé. Il faudra que je pense à envoyer un peu de sirop d’érable à Business by Air. Je retrouve ma campagne québécoise avec joie et pourtant, j’ai un peu de mal à reprendre mes marques. Il faut un peu de temps pour se réhabituer à la solitude après toute l’agitation de ces derniers jours. Mes bagages traînent encore dans la maison. Je tourne, je vire, je bidouille, je commence tout et ne finis rien. Je n’arrive pas à me remettre à flot. J’ai un peu le blues, je n’arrive pas à me remotiver. J’avais prévu de commencer ma recherche d’emploi dès mon retour et je m’étais mis une pression d’enfer. Mais qu’avais-je espéré ? Que je trouverais dès le lendemain ? Toujours est-il que depuis 3 jours, je culpabilise d’être chez moi au lieu de bosser. J’ai refais mon CV, je suis allée au centre local d’emploi, mais rien ne va assez vite à mon goût.
Ah là là ! Quelle nunuche cette Bouh ! Ben oui, mais pour le moment, c’est comme ça. Je sais que dans quelques jours, tout ira beaucoup mieux et que je reverrai de nouveau la vie en rose. Mais pour l’instant, c’est un peu dur. Je me sens un brin nostalgique, et pour que vous compreniez bien ce sentiment, je vous renvoie à l’excellente chronique de ma collègue JayJay (« lettre à France »).
Je doute de tout. Et si je n’y arrivais pas ? Et si je n’étais pas assez bonne pour me faire embaucher ? Et si personne ne veut me donner ma chance ? Alors on se terre chez soi, on n’ose pas envoyer de candidature par peur de l’échec…. Bref, on fait l’autruche.
Je sais que cette attitude est dangereuse et qu’il faut absolument la combattre. Mais je mets ainsi en garde tous les nouveaux arrivants qui, comme moi, auraient l’intention de ne pas travailler tout de suite. Plus vous attendez, plus ce sera dur, car plus vous douterez de vous et de vos capacités. Alors n’attendez pas (trop) et jetez vous dans la bataille !
Quant à moi, je vous promets une prochaine chronique plus enthousiaste !

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