Quand la nature, nous offre ses caprices !
Après une période de travail intensif, je reviens parmi vous avec cette nouvelle chronique. Eh oui, lorsque tu travailles sur appel, tu dois développer une certaine faculté à te donner à 100 % pour la job quand c’est le temps. Etant donné que ma « profession » consiste à réaliser l’inventaire des entreprises, janvier et février sont les mois de dur labeur.
S’il existe bien un sujet de chronique que je n’aurais imaginé aborder, c’est bien celui-ci. Comme vous le savez, l’hiver québécois est ponctué de tempêtes de neige tout à fait paralysantes. Habituellement, deux ou trois grosses tempêtes de neige sévissent par hiver, mais cette année elle sont plus fréquentes. L’une d’entre elles m’a particulièrement marqué, c’était le 26 décembre 2005.
Avant toute chose, pour situer le contexte, comme je vous en avais fait part dans ma dernière chronique, une amie m’a invité dans sa famille afin de célébrer Noël. Après réflexion, j’ai accepté son invitation à Trois-Pistoles, petite ville situé à deux heures trente au nord est de Québec.
J’y ai passé un agréable moment, même si je n’étais pas avec ma famille.
10h00, le 26 décembre au matin, après avoir déblayé les 25 cm de neige qui recouvrent ma voiture, je me décide à retourner à Québec, malgré l’avertissement de tempête.
A l’heure de mon départ les routes sont encore praticables, …. mais ça n’allait pas durer. La première heure du trajet se déroule sans accrocs, il neige beaucoup, le vent balaie la neige sur l’asphalte, la visibilité est tout à fait acceptable. Arrivé à la hauteur de la Pocatière (à 1 heure 15 de Québec), les conditions routières se détériorent brusquement, l’autoroute étant barrée, je suis contraint à utiliser la route 132. Et là, les « joies » de progresser sous la tempête débutent…. Plus question de rouler à 100 km/h, je dois abaisser ma vitesse à 60 km/h, la visibilité est considérablement réduite. Les conditions routières deviennent critiques, rares sont les portions de route où je discerne encore le gris de l’asphalte. Tout est blanc autour de moi, seul deux points rouges m’avertissent qu’une voiture est en avant de la mienne. Lorsque la visibilité s’améliore, je constate que des voitures ont atterries dans un banc de neige.
Régulièrement je m’arrête sur le bas côté, pour abaisser le poids de la nervosité qui s’abat sur tout mon corps. Ma progression varie entre 10 et 30 km/h, je commence à perdre patience, comme dirait les Québécois : « c’est l’enfer, j’suis pu capable ! ».
Les heures tournent, et je ne vois pas le bout du trajet. La chaussée est très glissante, mes mains se cramponnent au volant. Je ne tiens pas à finir dans le clos !
A 13H30, j’arrive enfin à Montmagny (à 45 min de Québec). Pour célébrer ça, je m’arrête dans un dépanneur, ma petite Mazda 323 à soif, et moi j’ai besoin d’un bon petit café. Il me donnera « l’énergie » nécessaire pour poursuivre mon périple. Je m’avance vers le comptoir, et rajoute à la note un cigarillo pour la route. Dans un même temps, je m’informe des conditions routières pour le reste du trajet. D’un ton excédé (je dois pas être le seul automobiliste à lui poser cette question), le préposé à la clientèle s’exclame : « – Désolé monsieur, mais je suis pas météorologue »
Je lui rétorque :
« – Mais vous n’avez donc aucune idée de la progression de la tempête » « – Toutes les routes sont barrées, Montmagny est coupé du monde jusqu’à nouvel ordre, tu devrais te trouver une chambre d’hôtel pour la nuit » me répondit-il
« – Ok, ben dans ce cas donnez-moi plutôt un paquet de cigarettes, je crois que j’en aurai besoin…. »
En tant que personne de nature têtue, je décide de vérifier l’information par moi-même. Je poursuis mon chemin et tombe face à un barrage de police. Il avait dit vrai, tout est bloqué…. Je reste optimiste, et attendant que la tempête baisse d’intensité, je m’assoupis dans ma voiture sur le stationnement du centre d’achat.
A 16h00, mes yeux s’ouvrent, toujours la même vision, dehors la tempête sévit toujours. Elle a même redoublé d’intensité. Les bourrasques bercent ma voiture. La neige réduit la visibilité à quelques mètres. Plus question d’espérer de retrouver mon lit douillet avant demain. Je n’ai plus le choix, je cancelle (annulé) ma journée de travail du lendemain, puis je pars à la recherche d’un hébergement pour la nuit.
Après avoir à nouveau déneigé ma voiture, je m’informe auprès des autorités locales, où je pourrais dormir. Tous les motels sont complets, il ne reste que la polyvalente (école) reconvertie pour l’occasion en immense dortoir. Après 25 min de recherche, un atterrissage d’un banc neige, un petit 15 min à pelleter la neige bloquant mon véhicule. J’arrive enfin sur le stationnement. La tempête enveloppait l’établissement scolaire ; m’obligeant à demander au conducteur de la gratte (déneigeuse), occupé bien entendu à déneiger, où se situe l’entrée de la polyvalente.
Fiou ! Je tourne la clef de contact. Le ronronnement du moteur cesse. Me voilà enfin arrivé dans un lieu pour me reposer. Je prends mon courage à deux mains. Il reste un dernier effort à fournir pour rejoindre à pied la polyvalente où je serai au chaud. Je saisi sur la banquette arrière de ma voiture les quelques affaires que je possède pour dormir. Je sors….
A l’intérieur, enfants, hommes/femmes, jeunes/vieux, toute une panoplie d’humains vagabonde. Ils attendent tous que la tempête se calme. Les gens acquiescent de petits sourires pincés, sûrement une petite manière de déstresser et de relativiser. Nous ne sommes pas arrivés chez nous, mais nous sommes au chaud. Dans la grande salle, des tables ont été installées. Dans un coin, une télévision, des dessins animés y sont diffusés pour les enfants. Non loin de là, du café est mis à disposition sur une table. A côté, un micro-ondes est disponible pour ceux ayant un repas à faire réchauffer.
Soudain, une voix retentit, la personne en charge de la sécurité, nous interpelle. Elle nous avertit qu’il n’y aura ni de service de restauration, ni de service de livraison. Si nous voulons manger, il ne reste que le McDo à 5 min d’ici, les autres restaurants ont été « dévalisés » par l’afflux de la clientèle affamée et ne sont donc plus en mesure de fournir des repas. Etant donné, mon maigre paquet de chips comme unique repas, je me décide à partir à pied manger chez « le clown américain » ! Plus question de prendre ma voiture pour aujourd’hui, j’en ai eu ma dose. En route ! Dehors, un vent glacial me fouette le visage, impossible de marcher face au vent. La neige se colle au visage.
J’ai peine à maintenir mes yeux ouverts, même si je demeure courbé, tête baissée, la capuche de mon manteau rabattue. A chaque instant, je manque de perdre l’équilibre. On se croirait dans le Grand Nord, il ne manquerait plus que le traîneau à chien et me voilà prêt pour vivre une expédition au Groenland! Je ne vois pas à deux mètres. De part et d’autre du chemin de neige qu’est devenu la route asphaltée, des bancs de neige de plusieurs mètres de hauteur s’accumulent. Les déneigeuses s’activent, que ce soit les
souffleuses des particuliers ou bien les énormes grattes de la ville. Après
tous ses efforts, j’entre dans l’enceinte du McDo. Je secoue la neige restée sur mes vêtements. Mon jeans a eu le temps de geler, il est raide comme une planche de bois.
Le temps d’enfiler un « savoureux » Big Mc, et me voilà déjà sur le chemin du retour.
A mon retour dans l’école, je poursuis le petit tour d’horizon de mon gîte temporaire. Les animaux sont logés avec leur propriétaire dans les salles de classe situées à l’étage. Dans le corridor, des gens téléphonent pour rassurer leur famille. Dans le gymnase, convertit en dortoir, certains ont déjà préparé un petit coin douillet pour dormir, avec les tatamis mis à disposition et leur slipping bag (sac de couchage), s’ils en possèdent. Dans la grande salle, un immense pique-nique s’est organisé, d’autant que finalement notre hôte, nous a apporté des fruits, des sandwichs au beurre de peanut. Il faut l’avouer, l’organisation est hors pair.
Certains ont sortis leurs jeux de société, d’autres leurs ordinateurs portables, les enfants profitent de leurs cadeaux de Noël. Y’en a même deux qui ont enfilé leurs habits de hockey et jouent avec frénésie. N’ayant pas de jouets pour me divertir, je jase avec le monde. Nous échangeons nos tranches de vie. Certains viennent de Rimouski, d’autres de Québec. Ces derniers ont mis 4 heures pour arriver ici, alors que normalement 45 min suffisent…. De nombreux québécois m’avouent n’avoir jamais assisté à une telle tempête. Et au vu de l’évolution de la météo, j’imagine la longue soirée qui m’attend.
Une chance que j’ai eu l’idée de débuter ma future chronique, au moins ici je ne manque pas d’inspiration…..
A 21 h, nous sommes invités à écouter deux films, le premier s’appelle : « Hictch », et le second se nomme : « Le Noël des Krants », de quoi bien détendre après le stress de la route. Vers 1h du matin, tout le monde sort de l’auditorium. Une dernière cigarette et je vais aller me coucher. J’écoute les nouveaux pronostics, au vu de la baisse d’intensité de la tempête, certains espèrent quitter notre « refuge » d’ici 3h. Mais lorsque l’on sait que les policiers ont dû chevaucher leur motoneige, afin de secourir des automobilistes bloqués sur l’autoroute, on peut imaginer l’épaisseur de neige à déblayer avant sa réouverture à la circulation.
Le sommeil se fait sentir. Je décide d’aller m’assoupir dans le gymnase. Là-bas, je suis, soit bercé par les cris d’enfants qui trouvent « ce jeu » tout à fait intéressant, soit par les pleurs des enfants en bas âge, sans compter le concert de ronflements….. Finalement, je finis par m’endormir….
Le lendemain matin, 6 h réveil ! Autour de moi tout le monde s’affaire à paqueter son stock. Et à 7h les routes sont à nouveau dégagées !
Ainsi s’achevaient mes fêtes de Noël 2005. Je pense que je m’en souviendrai longtemps. Je n’avais jamais eu l’occasion de découvrir ce que vivent les sinistrés, suite aux catastrophes naturelles. Aujourd’hui, j’en ai un
aperçu. J’ai été marqué par l’ambiance chaleureuse, le calme, personne ne se plaignait de la situation. Tout le monde se parlait. Même ce monsieur qui a fait au moins cinq aller-retours sous la tempête, les bras chargés d’enfants, de jouets, d’oreillers depuis sa voiture jusqu’à la polyvalente. Aussi cette situation était tellement inédite, que je n’arrivais pas à y croire !
En tout cas, l’année prochaine, je passe Noël en France, dans ma famille, au moins là-bas, aucun risque de tempête de neige !
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