Question de parlure
Il y a un certain temps, j’avais parlé des 25 ans de la Charte de la langue française, plus connue sous le nom de ‘Loi 101′. Maintenant, je vais poursuivre un peu sur le sujet mais cette fois, en parlant plutôt du langage et de la manière de parler au Québec.
Avant toute chose, j’aimerais juste commencer par une mise au point. La langue québécoise est une réalité. Elle a sa propre existence et sa propre histoire. Elle n’a pas attendu l’arrivée des immigrants Français pour subsister, ni l’anachronique Académie française pour s’aligner sur les derniers ‘parisianismes’ à la mode. Le québécois est une variante du français, il faut le prendre comme tel et pas autrement. Il n’y a pas grand-chose qui m’agace plus qu’un Français (ou autre), qui va se plaindre à répétition de ce qu’il considère comme des ‘approximations linguistiques’. La langue québécoise a évolué seule durant plus de 250 ans, loin de Paris, loin de la France. Seule, elle a évolué et lutté pour sa survie. Il est donc bien normal qu’elle ait suivi parfois des chemins différents que le sacro-saint ‘français de France’.
Certes, il subsiste quelques problèmes au niveau de l’apprentissage de la langue. Comme partout, les systèmes éducatifs doivent s’adapter et se réformer. Les problèmes liés à la maîtrise de la langue en France sont aussi de plus en plus d’actualité selon les endroits et le type d’établissement. Des améliorations sont à apporter au Québec, mais cela ne se fera pas sans une volonté politique et populaire.
Le joual
Le joual est sans aucun doute l’un des aspects de la langue québécoise le plus connu. Le terme ‘Joual’ vient de la déformation du mot ‘cheval’ (le « v » étant prononcé comme le « w » de watt ou de Waterloo). D’ailleurs, le joual est avant tout une question de déformation des mots, ainsi que l’utilisation d’anglicismes. On pourra parfois entendre des individus s’exprimer de la sorte : « On est badloqué en maudit ct’été ! À chaque fois que j’va dewors, v’là qui mouille à boire deboute ! Ast’heure, fa pô mal trop frette pour prendre une broue sur la galerie, on va bientôt devoir faire partir le foyer ! ». L’utilisation d’anglicismes tels que « badloqué » (malchanceux), mais aussi les sonorités empruntées à l’ancien français « deboute », « frette », caractérisent le joual.
Rassurez-vous, le joual n’est pas employé dans la vie de tous les jours et, la plupart du temps, on rencontre les personnes parlant le joual à l’extérieur des villes. Par contre, après un certain temps, on commence à le comprendre un peu. Ensuite, cela peut dépendre de l’accent.
L’accent
Un peu comme en France, en Grande-Bretagne et dans beaucoup d’autres pays, vous serez confrontés au problème de l’accent. Car à l’instar de la France, il n’y a pas que l’accent de Céline Dion ou d’Isabelle Boulay au Québec, il y a une multitude d’accents différents qui peuvent parfois poser des problèmes de compréhension, même pour les Québécois pure laine !
Habitué à l’accent montréalais, vous serez un peu perdus en entendant l’accent gaspésien, ou encore, l’accent si particulier de la région du Saguenay – Lac Saint-Jean.
Il ne faut pas oublier aussi l’accent si particulier des jeunes ados qui, comme en France, ajoutent également un vocable original mêlé de nombreux anglicismes.
Faut-il s’intégrer par l’accent et la parlure québécoise ?
C’est très souvent une des préoccupations d’un certain nombre d’immigrants. Faut-il absolument essayer de « calquer » l’accent québécois pour être bien intégré ?
Soyons clairs tout de suite, immigrants de première génération, vous n’aurez jamais l’accent québécois. Un Québécois finira toujours par déceler une petite intonation française de France. Au mieux, vos interlocuteurs auront des doutes par rapport à vos origines. Certes, lorsque vous retournez dans votre pays, tout le monde vous dira, au bout d’un certain moment de vie au Québec, que vous aurez un accent québécois. Pour cela, il s’agira juste d’intonations, ou d’expressions spécifiquement québécoises que vous aurez assimilé, non pas du véritable accent.
En parlant d’expressions, sans forcément avoir l’accent d’ici, il est primordial de se mettre à la page. Il est certain qu’au début ça ne sera pas facile et que les Québécois vont s’amuser de vous entendre utiliser des expressions franco-françaises telles que « taff », « pile-poil » et tous les jurons si répandus en France. Mais il y a un moment, surtout au travail, où vous aurez envie d’être pris au sérieux sans forcément voir des sourires sur les faces de vos interlocuteurs. À ce moment-là, l’intégration par le vocabulaire sera très utile.
Tout comme la faute très française et, malheureusement, très répandue qui consiste à dire que l’on va « sur Montréal » à la place de dire « à Montréal ». Outre le fait que c’est une faute de français, cela trahira également vos origines. Comme quoi, il n’y a pas que les Québécois qui font des fautes ! À bon entendeur….
Imaginez maintenant un Québécois immigrant en France. Vous vous amuserez à l’entendre parler de « char », de « patente » ou de « mufler », de « pogner un flat »…. mais, à un moment donné, il finira par utiliser les expressions locales. Déjà parce qu’il s’intégrera progressivement, mais aussi parce qu’il ne voudra pas toujours passer pour le Québécois de service qui fait sourire avec ses « drôles d’expressions ».
De la même manière, si vous partez vivre aux États-Unis par exemple, il deviendra judicieux d’utiliser les expressions locales courantes….
Un Français qui, au bout de quelques années, évite sciemment d’utiliser des expressions québécoises dans la vie de tous les jours passera vite pour un réfractaire. En général, ce sont des personnes qui ont des difficultés d’adaptation et cela démontre un manque d’ouverture d’esprit, voire même d’intelligence.
Par contre, vu que nous parlons à l’origine, la même langue, on devient un peu confus lorsqu’il s’agit de retourner passer quelque temps en France. J’avoue que j’ai parfois des doutes quand à l’usage de certaines expressions et je me pose parfois la question de savoir si l’expression que je vais employer est française ou bien québécoise. Ce sont des situations assez curieuses je dois dire. L’autre jour, en parlant avec des amis Français, j’avais tout simplement oublié comment s’appelait le menu enfant « joyeux festin » du MacDo en France ! Le vrai blanc de mémoire…. L’ironie, c’est qu’en France ils appellent ça un « Happy meal » !!!
Le vocabulaire québécois est assez simple tout de même, pas de grandes difficultés. Outres les anglicismes liés aux différentes tentatives d’assimilation des Anglais, mais aussi venant du vocabulaire technique (en particulier lorsque l’on parle de mécanique automobile), un certain nombre d’expressions viennent directement des premiers colons qui étaient, pour beaucoup, des navigateurs. Ainsi, on ne descend pas, on ne monte pas dans une voiture ou dans un métro, on embarque ou l’on débarque !
Pour nettoyer, on passe la vadrouille sur le plancher. Ou encore, on est bien greyé (gréé) quand on est bien vêtu. On ne range pas les objets, on les « serre »…. car dans les bateaux, il fallait bien attacher le moindre objet rangé dans les placards, afin qu’ils ne se brisent pas selon les « faveurs » de la mer.
Il y a aussi le vocabulaire très imagé, tout en étant parfois à la limite de la familiarité, mais qui sont d’un emploi courant au Québec.
Mes favoris :
Pelleter la neige avant qu’a soit tombée : vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Garocher : lancer quelque chose.
S’enfarger : se prendre les pieds dans quelque chose.
Se tirer une bûche : prendre une chaise.
Le pêteux : un peu vulgaire, signifiant les fesses.
Les cigarettes à plûmes : les cigarettes fabriquées par les autochtones.
Un robineux : un ivrogne, généralement un clochard.
Avoir de l’eau dans sa cave : se dit lorsqu’on a des pantalons un peu trop courts.
Beaucoup de termes qui peuvent parfois venir des anciens dialectes parlés dans certaines régions françaises. Surtout lorsque l’on parle du « T » prononcé à la fin de certains mots comme : icitte (pour ici), nuite (pour nuit), bouette (pour boue), être allé au boute (au bout)…. Parfois, le « T » sera curieusement mis à la fin de termes qui n’en ont pas du tout. Les exemples les plus répandus : cette tomate est pourrite, ou encore, il fait frette cet hiver ! Sans oublier le « tickette », qui est une contravention : « Ça n’a pas d’allure ! J’ai pogné un tickette en m’en venant à job ! ».
Féminisation des termes
Beaucoup de termes anglais n’ont pas le même genre en France et au Québec. L’exemple le plus connu reste « la » job. Qui a tort ? Qui a raison ? Personne évidemment puisque la langue anglaise ne définit pas les genres. De la même manière, on achète une passe de métro, on utilise une patch pour arrêter de fumer, une sandwich, on mange une Mars (le terme barre est sous-entendu, car on parle d’une barre Mars)…. Sans oublier des fautes qui se sont infiltrées dans la langue comme : une belle avion, de la bonne air fraîche, etc.
Il est clair qu’il y aurait encore beaucoup à dire sur la langue québécoise. Surtout ses expressions si populaires, mais vu que de nombreux sites et ouvrages en font mention, inutile de faire un catalogue qui serait, de toute façon, très incomplet.
Pour ma part, je laisse les choses aller naturellement. J’aime les expressions québécoises et je les assimile avec une grande facilité…. pour ce qui est de l’accent, je ne fais pas plus d’effort pour garder mon accent de France que pour assimiler celui du Québec. Il est clair que plus vous serez ouvert sur votre environnement et sur cette superbe culture québécoise, plus il sera simple pour vous de vous intégrer…. que cela soit par le langage que socialement parlant.
C’est bien beau d’être Français (je dis Français, mais je pourrais aussi parler des autres) et de vouloir préserver sa culture, mais c’est tout de même au Québec que nous avons choisi de vivre et de travailler.
Voilà, j’espère que vous avez eu du plaisir à me lire et que vous en savez un peu plus sur la parlure québécoise…. Je vous donne rendez-vous pour ma prochaine chronique, le 15 septembre, vous verrez que cela sera une chronique bien particulière !
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