Séparations
Il y a peu, je parlais de ce phénomène inéluctable, mais en même temps rassurant, consistant à s’éloigner et à se détacher de son pays d’origine. Pourquoi je parle de phénomène rassurant ? Non pas qu’il faille oublier ses racines, ses amis et sa famille. Non pas qu’il faille se foutre de la destiné du pays que l’on a laissé. Mais qu’il faut prendre suffisamment de recul, de distance, afin de mieux s’intégrer dans son nouveau pays d’accueil.
Parmi les principales préoccupations que l’on lit sur le forum, et particulièrement depuis la période des fêtes, nous retrouvons les problèmes liés à la séparation, que cela soit d’un être cher ou de la famille.
Ce n’est pas un hasard. La première cause de retour des immigrants reste les problèmes familiaux, avant même de parler du climat (ben, de l’hiver en fait !). La période des fêtes est aussi la plus propice aux prises de conscience.
Les réponses apportées sur le forum sont justes et les petites astuces peuvent parfois être d’un bon secours pour mieux faire passer la pilule. Mais il est certain qu’il n’existe pas de solution-miracle. La peine, elle, reste bel et bien là.
Évidemment, on peut toujours parler des « sept heures de vol » entre Montréal et l’Europe (par exemple). Ça permet de rassurer à court terme. Mais comme l’a dit Redflag, c’est assez illusoire de croire que l’on peut prendre l’avion comme on prendrait le métro entre la Porte-de-Vincennes et La-Défense. Outre le prix qui est élevé à certaines périodes, il faut aussi prendre en considération que, dans le cas où vous êtes salarié (comme la très grande majorité des immigrants, surtout en arrivant), vous ne pourrez pas prendre de vacances la première année. À moins de trouver un employeur compréhensif qui vous permettra de prendre un congé sans solde, mais ne rêvez pas !
Pire encore ! La mobilité professionnelle d’un nouvel arrivant est assez grande. Ainsi, vous risquerez de changer assez souvent de travail, surtout la première année. Pour illustrer mon propos, prenons l’exemple où vous passez six mois dans un petit emploi avant de trouver un poste qui correspond plus à vos attentes, cela veut dire qu’il faudra attendre un an et demi avant de pouvoir prétendre à des vacances !
Bien sûr, si vous avez de bonnes économies, cela se fera un peu plus facilement et vous pourrez vous permettre un séjour dans votre famille entre deux postes. Mais est-ce le cas de la majorité des immigrants ? Quelque chose me dit que c’est loin d’être le cas.
Par contre, les moyens de communication que nous avons aujourd’hui, rendent la séparation moins pénible qu’il y a 25 ou 30 ans par exemple. Les prix des communications téléphoniques qui est maintenant très abordable, l’Internet que je ne vous présente pas, les « webcams » et autres téléphones IP. Pensez donc à nos prédécesseurs qui ne pouvaient même pas appeler leur famille car les communications étaient trop dispendieuses ! La situation a tout de même pas mal évolué !
Reste qu’il faut bien prendre en considération cette séparation et bien peser les « pour » et les « contre ».
Il est clair que chaque individu est différent, que chaque expérience est unique. Le caractère, le tempérament de chacun, la capacité de contrôler ses émotions et ses craintes, permettra, ou pas, de franchir l’étape de la séparation.
Selon moi, il est essentiel de rendre visite à la famille et aux amis, mais il est autant essentiel de sortir du piège de la vraie-fausse séparation. C’est-à-dire de rester un peu coincé entre les deux rives de l’Atlantique. Il est où votre pays dans ce cas-là ?
Pour moi c’est très clair : mon pays c’est le Québec et mes origines sont en France. Mais c’est l’endroit où j’ai choisi de vivre qui doit primer, non pas le pays que j’ai choisi de quitter. Je vais en France pour voir le pays d’un regard neuf, avec du recul, à l’image d’un visiteur. Je renonce à y faire des « adieux perpétuels ». Très peu pour moi !
De cette manière, à chaque fois que je vais en France, c’est une fête. J’y vais comme j’irai rendre visite à un vieil ami, chez lui, pas chez moi. En repartant, je dis juste « à la prochaine ». Je pense que cet état d’esprit aide à mieux affronter les choses.
Le problème restant pour la famille…. Pas de secret, il faut absolument qu’ils sentent bien que vous êtes heureux, épanouis et que vous vous plaisez dans votre nouvel élément. Bien sûr, ils entretiendront l’espoir d’un retour, cela provoquera sans doute des discussions houleuses. Mes parents me font souvent le coup de « quand tu reviendras (sous-entendu « vivre ») en France, tu feras tel et tel chose ». Alors, au début cela agace, par la suite, on prend ça avec philosophie.
Par contre, tout ce qui contribuera à « officialiser » votre installation sera comme un « choc » pour eux. Achat d’une voiture, d’une maison, une blonde ou un chum, votre citoyenneté, un ou des enfants…. seront autant de petits traumatismes que subira votre famille. Pour eux, ce seront autant d’attaches qui vous retiendront dans votre nouveau pays. Cela aussi il faudra le gérer.
Il faut donc ménager la chèvre et le chou. Savoir maintenir une distance entre vous et vos anciennes attaches, tout en entretenant une proximité essentielle pour ne pas s’isoler et pour ne pas les isoler non plus.
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