Le Québec accueille, chaque année, plus de 45 000 nouveaux arrivants qui viennent s’ajouter à la population immigrante évaluée à 740 000 personnes en 2006. Plus de 80% des immigrants s’installent à Montréal et ce n’est pas seulement parce que la principale porte d’entrée au Québec – l’aéroport Trudeau – se trouve dans cette ville. La grande région de Montréal compte plus de la moitié de la population totale de la province et constitue un pôle économique indéniable. Enfin, les nouveaux immigrants choisissent de s’y installer parce qu’ils peuvent aussi y côtoyer des personnes de la même origine qu’eux, persuadés qu’ils sont que dans des moments difficiles, comme peuvent l’être les premiers mois de leur arrivée au Québec, ça peut servir.
Le problème, c’est que le taux de chômage des immigrants dans la région de Montréal est élevé. En 2006, il était de 11,3 % . Il est encore plus élevé chez les immigrants récents. Une situation qui devrait inciter les nouveaux arrivants à tenter leur chance dans d’autres villes et en particulier à Québec qui présente une belle carte de visite : ville de taille humaine, francophone, sécuritaire, bon réseau de transport, belle offre en matière d’activités culturelles et sportives, accessibilité des services dans tous les arrondissements, revenu moyen des immigrants légèrement supérieur qu’à Montréal (28 541 $ contre 28 269 $ en 2006) et surtout un taux de chômage faible, 5%. Pourtant, malgré ces avantages apparents, la population immigrante est peu nombreuse dans la région de la capitale nationale. Un cas à part, parmi toutes les grandes villes canadiennes!
En effet, si l’on se fie aux statistiques officielles relatives à la proportion du nombre des personnes immigrantes sur la population totale, la région métropolitaine de Québec (7e la plus importante au Canada) présente de loin le plus faible taux avec seulement un maigre 3,7%. (4,4% si l’on considère uniquement la ville). Elle arrive en dernière position des régions métropolitaines de 500 000 habitants et plus. L’avant dernière position dans ce classement est occupée, avec le taux de 18 %, par Winnipeg, une ville d’une taille comparable à Québec. Même pour les agglomérations canadiennes de plus de 100 000 habitants, Québec ne devancerait que St John’s (Terre-Neuve) et le Saguenay. Au Québec, la région de la capitale nationale est aussi distancée par la région métropolitaine de Montréal (20%) , Sherbrooke (5,4%) et Gatineau (8,3 %). Au vu de ces chiffres, on peut considérer, qu’en matière d’immigration, Québec est une sorte de mouton noir des villes canadiennes.
Au recensement de 2006, ils étaient 26 205 immigrants installés dans la grande région de Québec sur une population globale de 704 180 habitants et parmi eux 10 120 étaient déjà là avant 1991. Les chiffres sont édifiants. Pourtant la population de la région de Québec est appelée à vieillir plus vite que bien de régions de la province. En 2021, les 65 ans et plus représenteront 24,4 % du total de la population contre 19,8 % pour la région de Montréal, 19,3 % pour la région de l’Outaouais et 21,3 % pour l’ensemble du Québec.
À l’hôtel de ville de Québec, on semble conscient des défis à relever. Dès son premier mandat, le maire Régis Labeaume avait annoncé son intention de tout faire pour changer l’image de la ville et faire démentir les clichés qui présentent sa population comme étant hostile à l’immigration. La ville a gagné quelques galons grâce à la visibilité dont elle a bénéficié lors de la célébration de son 400e anniversaire. S’il n’y a pas de nouvelles statistiques sur l’immigration dans la région depuis 2006, il est par contre facile de constater que les visages des minorités visibles sont un peu plus présents dans les commerces, les administrations, les établissements scolaires… Du coté de l’administration municipale, on est encore engagé dans le fameux programme "Égalité 5" d’accès à l’égalité en emploi qui vise cinq groupes sous-représentés: Femmes, autochtones, minorités visibles, minorités ethniques et personnes handicapées. Mais ce programme, qui n’engage que les services publics, ne suffit visiblement pas pour attirer et retenir les immigrants dans la ville. On sait que les immigrants qui ne se trouvent pas rapidement un travail à Québec ont tendance à la quitter pour Montréal, sans doute pour éviter l’isolement total: pas de travail, pas de réseaux d’amis.
Voulant montrer sa volonté à améliorer les conditions des immigrants, l’administration Labeaume a élaboré un projet de "politique d’accueil et d’intégration des personnes immigrantes". Et pour permettre à la population de la ville de s’exprimer sur ce projet, l’hôtel de ville a organisé au printemps dernier une consultation publique. L’annonce de la tenue de cette initiative avait bénéficié d’une large couverture médiatique. Selon ses promoteurs, cette politique, une fois le projet débattu, enrichi et adopté, devra orienter les actions de la ville en matière d’accueil et d’intégration des immigrants. Quelques 150 personnes, citoyens de la ville et des représentants d’organismes intervenant auprès des nouveaux arrivants, ont pris part à la consultation. Trois thèmes ont été débattus dans des ateliers: Accueil et rapprochement interculturel, Intégration économique et enfin Attraction et rétention des personnes immigrantes.
Parmi les recommandations générales de cette consultation, les participants ont plaidé pour des efforts en vue d’assurer l’intégration économique et la reconnaissance des personnes immigrantes qui sont déjà sur place avant d’en recruter d’autres à l’étranger ainsi que de soutenir les initiatives visant le réseautage entre les immigrants et les employeurs. Il a été suggéré aussi de créer un bureau d’accueil de la ville de Québec à l’aéroport de Montréal pour offrir de l’information sur les services d’accueil des nouveaux arrivants dans la capitale nationale. En outre, les participants ont appelé les autorités à préciser la place et le rôle des organismes intervenant auprès de l’immigration. Il faut rappeler qu’environ une soixantaine d’organismes interviennent auprès de l’immigration, ce qui parait beaucoup au vu de la taille de la population immigrante de Québec. Les participants ont aussi insisté sur l’importance pour le nouvel arrivant de participer aux activités de la population locale afin de "briser le cercle de l’isolement". Ils ont par ailleurs plaidé pour la représentativité des communautés culturelles dans tous les secteurs d’activités municipales et à ce titre, ils ont souligné l’existence de préjugés lors de l’embauche et ont appelé à faire preuve d’une certaine souplesse lors du recrutement des nouveaux arrivants notamment en ce qui a trait au degré de maitrise du français jugeant nécessaire de le moduler en fonction du poste à combler. Les participants ont aussi appelé à promouvoir et à élargir au secteur privé les programmes de stages et d’emplois d’été lancés par la ville de Québec et qui permettent à de nouveaux arrivants d’obtenir une première expérience professionnelle québécoise.
Pour le volet attraction et la rétention de l’immigration dont souffrirait encore la ville, les participants ont jugé nécessaire de présenter à l’avenir une image réaliste de la vie d’un nouvel immigrant, laquelle peut être difficile durant les premiers mois, tout en vendant l’image d’une belle ville avec l’une des meilleures qualités de vie au Canada. Pour certains participants il est important de ne pas voir dans les personnes immigrantes de simples acteurs économiques auxquels on fait appel pour combler des besoins de mains d’œuvre mais comme des êtres humains apportant un bagage culturel pouvant enrichir la ville. En ce sens, Québec devrait promouvoir, selon eux, l’image des immigrants comme des citoyens à part entière en vue de faciliter leur intégration.
Cette consultation est une excellente initiative même si on peut regretter la faible implication de la population qui accréditerait l’idée de sentiments d’indifférence de celle-ci vis-à-vis du dossier de l’immigration. J’ai bien tenté de savoir ce qu’il est advenu des recommandations de cette consultation et du projet de "politique d’accueil et d’intégration des personnes immigrantes" mais au moment où ce papier est publié, l’élue municipale chargée de l’immigration n’a pas donné suite à ma demande. Sans doute, on en saura davantage dans les prochains mois mais il faut espérer que les bottines puissent suivre les babines.
Rayan
Sources:
Ville de Québec | Statistiques Canada | Gouvernement du Canada | Consultations publiques
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